Engagés au cas par cas

Pour Christophe Aguiton, syndicaliste SUD à France Télécom, les mouvements sociaux passent par la mobilisation de la jeunesse.

Pauline Graulle  • 22 janvier 2009 abonné·es

Sommes-nous dans une période comparable à celle précédant les grandes grèves de 1995 ?

Christophe Aguiton I La vague de conflictualité dans laquelle nous sommes actuellement a redémarré il y a plus de quinze ans, après un creux entre la fin des années 1970 et le début des années 1990. Les années précédant le mouvement de 1995 avaient été marquées par des mouvements sociaux très radicaux dans des secteurs ciblés, notamment l’invasion par les ouvriers d’Air France des tarmacs de Roissy en 1993. Mais, surtout, par un renouveau syndical et associatif : SUD est créé en 1989, le DAL en 1990, la FSU en 1992, Agir ensemble contre le chômage (AC !) en 1993… Autant de mèches sur lesquelles a pris l’étincelle du « Plan Juppé ».
Aujourd’hui, on sent une rage sociale très forte, une explosivité latente du corps social, mais nous ne baignons plus dans cette profusion et ce renouveau des acteurs associatifs.
En revanche, la mobilisation de la jeunesse est aujourd’hui beaucoup plus massive et radicale qu’avant 1995. Une génération entière s’est emparée des questions politiques, sociales, internationales… En France, comme en Grèce. En cela, le climat actuel pourrait davantage faire penser à l’avant-68 qu’à l’avant-95, même si les formes d’action et les modes d’engagement actuels s’inscrivent dans un renouvellement déjà perceptible en 1995.

Quelles sont ces formes nouvelles ?

Ce bouillonnement de la jeunesse ne se traduit pas par un investissement massif dans des organisations politiques, syndicales ou associatives. Il ne s’agit en rien d’une absence de convictions ou d’un scepticisme vis-à-vis de l’action collective. Mais l’engagement se cristallise au cas par cas. À l’image des réseaux sociaux sur Internet, on trouve des individus de plus en plus autonomes tout en étant en recherche d’un lien aux autres. Jadis, c’était tout l’atelier ou toute la fac qui allait aux manifs. Désormais, chacun y va avec quelques copains, et les rencontres se font là-bas. La manifestation est devenue l’incarnation formelle de cette nouvelle manière d’être au monde qu’est l’individualisme relationnel. C’est lors des événements de 1995 que l’on s’est aperçu de l’importance de la manifestation comme forme privilégiée des luttes contemporaines, par rapport à la grève, qui renvoie davantage aux années 1970. Depuis, ces grandes manifestations se sont multipliées et leur rythme s’est accéléré : face à Le Pen, contre la guerre en Irak, la réforme des retraites, le CPE, la réforme Darcos… Et ce n’est qu’un début !

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