Des Indiens contre les multinationales

Au Brésil, les entreprises du soda convoitent le guarana pour leurs boissons énergisantes. Une étude montre comment les Indiens Sateré Mawé s’organisent pour résister à ce rouleau compresseur.

Thierry Brun  • 21 mai 2009 abonné·es
Des Indiens contre les multinationales

Les Indiens Sateré Mawé ­forment une population de 10 000 âmes occupant une petite portion de l’Amazonas, le plus grand État brésilien situé au cœur de l’Amazonie. Surtout, ils sont connus dans le monde pour leur culture du guarana, qui s’est étendue à d’autres États depuis le fort développement de la vente de boissons énergisantes très populaires commercialisées par Karlsbrau, Coca-Cola, Danone, Pepsi, etc.

Vivant sur la terre indigène Andira Marau, qui abrite la « banque génétique » du guarana, les Sateré Mawé ont protégé cette plante stimulante en créant un conseil général de la tribu Sateré Mawé (CGTSM) pour défendre les droits des populations indiennes, et en lançant dans les années 1990 un « projet guarana » soutenu par des organisations de commerce équitable, notamment la fédération Artisans du monde et l’entreprise Guayapi Tropical.

Alors que la tendance actuelle est au pillage des ressources amazoniennes, à la déforestation et au brevetage du vivant, l’initiative de la tribu Sateré Mawé et des organisations de commerce équitable constitue une particularité qui a fait l’objet d’une étude rendue publique pendant la Quinzaine du commerce équitable [^2]. La commercialisation du guarana organisée par les Sateré Mawé y est comparée aux filières brésiliennes des industriels du soda : «  Même s’il ne représente pas une filière quantitativement significative au niveau national et international, le guarana [des Sateré Mawé] est une illustration assez complète des défis majeurs du développement durable » , estime Artisans du monde.
L’étude, qui rassemble les données recueillies sur le terrain pendant quatre mois, fournit une bonne illustration des effets de la brutale augmentation de la production ­brésilienne de guarana. Pour augmenter les rendements, l’utilisation d’intrants chimiques et de « packs technologiques » y est encouragée, les coûts de production y sont faibles, et un grand nombre d’intermédiaires font pression avec les entreprises pour faire baisser les prix, les rendant instables.

À côté, la filière guarana développée par les Sateré Mawé « est la seule à avoir pour objectif de maintenir une variété locale traditionnelle et de conserver sa banque de gènes ». Face au rouleau compresseur des industriels du soda, les Sateré Mawé connaissent certes quelques difficultés, mais les objectifs poursuivis « ne sont pas comparables avec des relations commerciales guidées par la compétitivité et la rentabilité établies entre les entreprises de sodas et les coopératives de producteurs ».
Et, surprise, l’impact positif du commerce équitable ne dépend pas directement de la vente du guarana à un prix plus élevé et d’une meilleure distribution de la valeur ajoutée. ­Artisans du monde relève aussi «  la préservation de l’environnement naturel avec des cultures associées et biologiques » , « l’autofinancement d’une organisation de défense des Indiens » , ainsi que « l’influence du développement local et l’amélioration des conditions de vie des familles » . Une phrase résume le développement des Sateré Mawé : *« Fonder l’autonomie politique sur des bases concrètes d’autonomie économique. »
*

[^2]: Une filière équitable au Brésil : le guarana, Tara Barthel et David Erhart. Cette étude est à l’origine d’un excellent manuel pédagogique, accompagné d’un film de José Huerta, intitulé les Défis du guarana, un commerce équitable en Amazonie brésilienne. Contacter la fédération Artisans du monde, 53, bd de Strasbourg, 75010 Paris, 01 56 03 93 50, .

Temps de lecture : 3 minutes