Non aux produits des colonies !

Avec la complicité de l’irascible Georges Frêche, le gouvernement israélien tente de renforcer ses liens économiques et commerciaux avec la France et l’Europe. Aux dépens des Palestiniens.

Françoise Leblon  et  Robert Kissous  • 9 juillet 2009 abonné·es

Début mai, paraissait dans le Midi libre un entretien dans lequel Georges Frêche, président du conseil régional du Languedoc-Roussillon, énonçait ses projets pour faire d’Israël le partenaire privilégié de la Région. Il ne s’agit de rien de moins que de faire de celle-ci la porte d’entrée d’Israël en France et en Europe. Le premier, en voie d’exécution, est l’implantation de l’entreprise israélienne Agrexco (arrivée prévue en octobre 2010) dans le port de Sète, sinistré en termes d’emplois.
Mais aussi : faire de Montpellier le pôle mondial n° 1 de l’eau en s’appuyant sur les technologies de pointe israéliennes ; amener Israël sur le marché international Saint-Charles de Perpignan ; amener en Languedoc-Roussillon l’Institut international de recherche agronomique, dont le siège est actuellement à Washington, avec l’aide de l’État israélien.
Une visite du ministre israélien de l’Agriculture est en outre prévue pour l’été ou l’automne prochain.

C’est sur la venue d’Agrexco à Sète que s’est focalisée et organisée l’opposition à ces projets.
Agrexco est détenu à 50 % par l’État israélien ; créé en 1957, c’est l’un des plus importants groupes d’exportation de produits agricoles dans le monde. L’entreprise exporte en Europe 70 % des productions agricoles des colonies israéliennes illégalement installées dans les territoires palestiniens occupés. C’est pour Israël le principal canal d’exportation vers l’Europe pour les fruits, légumes et fleurs des territoires palestiniens occupés.
Ces marchandises sont vendues illégalement en tant que produits « made in Israël », bénéficiant ainsi des conditions que l’Europe accorde aux importations israéliennes dans le cadre des accords d’association UE/Israël.

Agrexco est l’un des instruments essentiels de la colonisation agricole, notamment dans la vallée du Jourdain : vol des terres, vol de l’eau, démolitions, expulsions, nettoyage ethnique… 95 % des terres et 98 % de l’eau y ont été confisqués au seul profit de 7 000 colons, alors que la population palestinienne est passée de 300 000 habitants en 1967 à 55 000.
Le président de Région promet 200 emplois à la clé et des investissements importants, 200 millions d’euros, pour créer les infrastructures nécessaires. Un vote a eu lieu au conseil régional, le 23 février dernier, sans rencontrer d’opposition. Il est vrai que seul le nom de GF Group, groupe portuaire italien, était mentionné lors de la délibération.
De fait, le conseil régional subventionnera ainsi la colonisation israélienne offrant généreusement à Israël une plateforme d’entrée en Europe pour écouler – en toute illégalité – les produits des colonies israéliennes. Et, ce faisant, il se rendra complice de l’État israélien et de son gouvernement.
Tous les secteurs de notre société sont concernés par le projet. Contrairement aux affirmations du président de Région dans sa réponse à la lettre ouverte que les groupes locaux de l’AFPS du Languedoc-Roussillon lui avaient adressée le 12 mai dernier, il n’y a pas de choix économique sans choix politique. Choisir d’amener Agrexco à Sète, c’est faire le choix délibéré de soutenir la colonisation, c’est s’opposer à la création d’un État palestinien.

M. Frêche, professeur de droit, n’a que faire du droit international.
Compte tenu des domaines – politiques mais aussi économiques et écologiques – concernés par ce projet, de nombreuses organisations, toutes solidaires avec le peuple palestinien, ont réagi (associations, mouvements, partis politiques, syndicats…) ; une large coalition s’est constituée (près de 80 organisations) en peu de temps pour combattre le projet. Des partis politiques ont pris position à travers des communiqués. Des contacts ont été pris avec des élus du conseil régional, et des rencontres ont eu lieu, qui, pour certaines, ont produit des effets positifs. Il est plus difficile d’avoir le contact avec les dockers du port de Sète, que les perspectives d’emplois agitées par Georges Frêche rendent réceptifs à ce chant des sirènes. Promesses trompeuses si l’on en juge par ce qui s’est passé à Marseille.

La coalition contre l’implantation d’Agrexco, à Sète ou ailleurs, a organisé jeudi 25 juin, jour de la réunion mensuelle du conseil régional, une première manifestation de protestation à Montpellier, qui a rassemblé un bon millier de personnes et fut rejointe par la « marche contre l’apartheid en Palestine », partie de Nîmes, arrivant à Montpellier le même jour. Les militants qui avaient demandé à assister à la réunion du conseil régional, en principe publique, s’en sont vu refuser l’entrée au dernier moment.
D’ores et déjà, de nouvelles mobilisations sont prévues par la « Coalition contre Agrexco », et le travail de terrain pour élargir le soutien sera renforcé. Le combat devra être étendu au niveau national et européen dans le cadre de la « Campagne boycott, désinvestissement, sanctions contre Israël » tant que ce pays bafouera le droit international, le droit national du peuple palestinien.
Le combat contre l’implantation d’Israël en Languedoc-Roussillon ne fait que commencer, il sera long. Et il faudra le gagner.

Temps de lecture : 5 minutes