Pour des échanges plus égalitaires

Thierry Brun  • 22 octobre 2009 abonné·es

Le système monétaire actuel est considéré comme une donnée dont le questionnement est tabou. Cet instrument d’échange qu’est la monnaie nous renvoie pourtant au choix de notre modèle de développement économique et à la critique du statut et de la vocation de l’argent comme mode dominant de régulation.

La création de monnaies complémentaires, régionales et sociales vient du constat que les monnaies officielles traversent des crises sévères et fréquentes. Le dollar, monnaie centrale du système mondial, se délite de plus en plus et rend urgente l’introduction de solutions nouvelles. Ainsi, le récent BerkShare américain s’ajoute à la longue liste des monnaies complémentaires qui prolifèrent depuis des décennies dans les pays riches comme dans les plus pauvres. Le BerkShare a lui-même pour ancêtre le Time dollar, créé au début des années 1990, et le Local Exchange and Trading Systeme (Lets) anglais, qui s’est propagé en Amérique du Nord puis sur d’autres continents.

En France, il existe les systèmes d’échanges locaux (SEL) et le Sol, récente monnaie complémentaire que plusieurs régions ont adoptée. Rappelons que les monnaies complémentaires ont perduré en France et en Europe, de Charlemagne à Napoléon, avant une homogénéisation monétaire devenue planétaire. Imposée comme le seul moyen d’une réelle efficacité économique, la centralisation monétaire s’est accompagnée d’une domination financière et d’une tendance à concentrer les centres de décision, de plus en plus éloignés de la vie quotidienne du citoyen, comme le dénoncent aujourd’hui, par exemple, les mouvements sociaux dans l’agriculture française.

En effet, l’avenir monétaire du producteur de lait charentais ne se décide pas dans son département, ni à Paris, ni à la Banque centrale européenne à Francfort, « mais à Pékin, où l’on choisira jusqu’à quel point la Chine voudra bien continuer à accumuler sans fin des dollars dont la valeur se dégrade d’année en année » , explique l’économiste Bernard Lietaer, qui fut un des dirigeants de la Banque centrale de Belgique et un des concepteurs de l’euro [^2]. Loin de la loi du profit et de la spéculation, les monnaies complémentaires tentent de redonner une vocation d’égalité sociale à l’échange de biens et de services, là où les États ont démissionné.

[^2]: Lire Monnaies régionales, Bernard Lietaer et Margrit Kennedy, éditions Charles-Léopold Mayer, 2008.

Publié dans le dossier
Les plus gros bobards de Sarkozy
Temps de lecture : 2 minutes