« Yuki et Nina » : Prélude et fugue

Dans « Yuki et Nina », Hippolyte Girardot
et Nobuhiro Suwa
suivent les pas rêveurs d’une fillette.

Christophe Kantcheff  • 10 décembre 2009 abonné·es

Au cinéma, c’est la période des petites filles. Avant la sortie la semaine prochaine de Gamines , d’Éléonore Faucher, Yuki et Nina s’invite sur les écrans, quelques mois après avoir constitué l’une des très bonnes surprises de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Yuki et Nina est le fruit d’un duo de cinéastes, Hippolyte Girardot et Nobuhiro Suwa, mais, chose peu courante, ils ne sont pas frères ni ne forment un couple dans la vie. En outre, Girardot le Français et Suwa le Japonais (qui depuis quelques années tourne en France) ne parlent pas la même langue. C’est par l’intermédiaire d’une traductrice qu’ils ont communiqué.

Pourtant, Yuki et Nina témoigne d’une véritable symbiose créatrice et d’une richesse duelle qui prend corps dans le personnage de la petite Yuki. Le film commence quand elle apprend de ses parents, interprétés par Tsuyu Shimizu et Hippolyte Girardot, qu’ils sont sur le point de se séparer. Difficulté supplémentaire : la mère retourne vivre au Japon, où elle a décidé d’emmener sa fille.

Un énième film sur le divorce et sur les enfants de divorcés ? Non pas. Yuki et Nina est un film tourné, selon l’expression consacrée, à hauteur d’enfants. On ne quitte jamais le point de vue des deux fillettes, pour qui la manière dont les adultes ­s’aiment puis ne s’aiment plus est incompréhensible. Nina, qui elle-même vit avec sa mère divorcée, et Yuki butent sur ce « truc zinzin » qui voit leurs parents s’engueuler quand ils sont ensemble et être tristes quand ils se séparent. Les deux petites sont convaincues qu’il existe des solutions pour réconcilier le père et la mère de Yuki : une lettre de la fée amour, une fugue…
Hippolyte Girardot et Nobuhiro Suwa ont opté dans la première partie du film pour une esthétique réaliste, où Yuki subit les événements et refuse la perspective de la vie au Japon. Les deux cinéastes ont aussi chassé toute trace de pathos ou de sensiblerie, aidés qu’ils sont par leur petite comédienne, Noë Sampy, incarnant une Yuki silencieuse, réfléchie, mais dont la présence traduit un monde intérieur bouleversé.
La forêt dans laquelle s’enfoncent les deux fillettes lors de leur fugue en est une métaphore. Une forêt battue par les vents, où Yuki finit par se perdre seule, puis par suivre un chemin qui mène… vers une maison japonaise où jouent des enfants japonais ! Quelle belle idée de cinéma que de montrer comment Yuki, malgré elle, commence peut-être à se projeter dans sa vie future. Cette projection (!) mentale opère comme dans un rêve. La résistance de Yuki se transforme en possibilités nouvelles, sans rupture entre le passé et le présent, le Japon et la France. Yuki et Nina est un beau film sur l’imaginaire enfantin.

Culture
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