L’indignation des magistrats fait tache d’huile

Ce mercredi 9 février, 146 tribunaux sur 195 avaient voté le renvoi systématique des audiences non urgentes. Avant la mobilisation nationale du 10 février, la fronde des magistrats déborde et s’étend à d’autres secteurs de la justice, à l’éducation, à la prévention et au secteur social.

Erwan Manac'h  • 9 février 2011 abonné·es
L’indignation des magistrats fait tache d’huile
© JEAN SEBASTIEN EVRARD - AFP

Moins d’une semaine après la déclaration controversée de Nicolas Sarkozy demandant des « sanctions » contre les magistrats qui avaient « laissé sortir de prison » un « présumé coupable » (voir Les magistrats sortent de leurs gonds), c’est l’ensemble du secteur judiciaire mais aussi les personnels de l’éducation et du social qui expriment leur indignation. Et rallient le mouvement pour demander l’arrêt des baisses de financement.

Petite revue d’effectif :

  • Chez les magistrats, l’Union syndicale des magistrats (USM), plutôt ancrée à droite, a pris les devants dans cette mobilisation aux côtés du Syndicat de la magistrature (SM) traditionnellement plus critique. L’USM appelle même à la poursuite des renvois d’audiences jusqu’à lundi.

  • Par ailleurs, quatre syndicats de policiers se sont solidarisés (SGP-FO, le SNOP, la CGT Police et l’Unsa Police ont publié des communiqués). L’Unsa, syndicat majoritaire, précise ainsi sur son site ne pas vouloir « participer aux polémiques politiques en cours » mais appelle tout de même les officiers de police à se joindre à la manifestation nationale de Nantes, jeudi 10 février, pour réclamer « les moyens appropriés et indispensables aux missions de chacun.»

Les surveillants de prison ont également rejoint la fronde, dénonçant à leur tour le manque de moyens : « Nous subissons les dommages collatéraux des attaques du pouvoir envers la justice, estime Loïc Broudin, secrétaire national de l’Union fédérale autonome pénitentiaire, contacté ce mercredi. Les prisons sont surchargées et nous sommes nous-mêmes en manque de personnel, sans qu’il n’y ait de perspective.  » Il dénonce enfin dans cette affaire un « lynchage (…) à des fins électorales. »

  • Les associations d’accueil et de réinsertion sociale sont également mobilisées, par l’intermédiaire de leur fédération nationale qui publiait ce lundi un communiqué. La Fnars travaille au quotidien avec les conseillers d’insertion et de probation
    (CIP), désignés parmi les responsables du crime de Pornic par Nicolas Sarkozy. L’organisation renvoie le chef de l’État à ses contradictions en rappelant que « la récente loi pénitentiaire consacre le principe selon lequel l’aménagement de la peine doit être la règle et l’emprisonnement l’exception » et qu’en l’état actuel des choses, les moyens sont insuffisants pour appliquer de tels objectifs.
    «  Il y a une politique de remise en cause systématique du travail des professionnels sur le terrain , confie à Politis.fr Elsa Hajman, chargée des questions de justice à la Fnars. On augmente notre charge de travail et le manque de moyen devient criant. »

-Les éducateurs de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) ont unanimement exprimé leur ras-le-bol. Les trois fédérations syndicales déplorent une baisse des moyens, qui traduit un manque de considération du travail des éducateurs.
« La PJJ est dans une situation dramatique , s’inquiète Maria Inès, co-secrétaire nationale du Snpes-PJJ, le syndicat majoritaire, contacté par téléphone. L’affaire de Pornic fait écho à ce que nous vivons partout en France. Nous avons des listes d’attentes très grandes et nous sommes obligés de déterminer des priorités dans nos suivis. Nous observons surtout une dégradation de la situation, avec des familles toujours plus démunies et des jeunes en grande difficulté. Dans le même temps, les non-remplacements de fonctionnaires concernent, chez nous, deux départs sur trois. »

-Les avocats ont eux aussi exprimé leur indignation, à la suite de propos de Nicolas Sarkozy. Le Syndicat des avocats de France a fait savoir qu’il adhérait aux revendications des magistrats, tout comme le Conseil national des barreaux. Des motions ont été adoptées par des avocats dans plusieurs barreaux en France.

-Enfin, la mobilisation de la justice trouve une concordance avec celle des enseignants. Une grève est prévue ce jeudi dans l’éducation pour protester contre la baisse des moyens. Un collectif intersyndical a également lancé un appel à mobilisation à tous les établissements sur cette question.
Une manifestation est prévue pour le 19 mars.

Lire le manifeste :

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