Assurance chômage : l’Unedic lève des fonds sur les marchés financiers « comme si on était des andouillettes »

Une poignée de militants des droits des chômeurs s’est introduite, ce jeudi 3 mars, dans les locaux d’une agence de notation, à Paris, pour dénoncer la gestion de l’Unedic et son recours aux marchés financiers.

Erwan Manac'h  • 3 mars 2011 abonné·es
Assurance chômage : l’Unedic lève des fonds sur les marchés financiers « comme si on était des andouillettes »

« Nous nous rendons dans un lieu où les journalistes ne peuvent pas poser de questions ! » Devant les caméras et quelques militants des droits des chômeurs, Leila Chaibi ménage son effet, en cette matinée du 3 mars.

Un petit groupe facétieux s’est donné rendez-vous place de la République, à Paris, à l’initiative de « l’Appel et la pioche » , un collectif de lutte contre la précarité. Les militants veulent se faire entendre dans les discussions ouvertes avec les syndicats à l’Unedic, la caisse d’assurance chômage, pour le renouvellement des conventions qui déterminent son mode de financement.

« L’assurance chômage ne répond pas aux besoins et a couvert son déficit en levant six milliards d’euros sur les marchés financiers entre décembre 2009 et janvier 2010 , explique Leila Chaibi. Or, les règles de rentabilité de la bourse sont contradictoires avec les impératifs de service public car elles imposent de réduire toujours plus les allocations. »

« Seulement quatre chômeurs sur dix touchent des allocations »

Après un bref trajet en métro, la petite troupe presse le pas pour ne pas être repérée dans le très chic VIIIe arrondissement de Paris. Le lieu de l’action est encore tenu secret.

« En 2010, un million de chômeurs sont arrivés en fin de droit et seulement 42 % des sans-emplois touchent aujourd’hui une allocation » , explique Simon, du collectif l’Appel et la pioche, en guettant les alentours.

Pas de policier : la cible est facilement prise d’assaut. Il s’agit de l’agence de notation FitchRatings, qui a noté l’Unedic pour lui permettre de lever des fonds sur les marchés financiers. L’agence a décerné une note de bonne gouvernance à la caisse d’assurance chômage : AAA… « comme les andouillettes » , ironisent les militants.

Les explications de Simon Cottin-Marx, militant du collectif L’appel et la pioche :

« Spécule ta mère »

Dans le hall feutré de cette agence, les faux-billets vert volent et les slogans fusent… « Spécule ta mère ! » scandent la poignée de militants de Solidaire, CNT PTT, Agir Contre le chômage et le Parti de Gauche. « Ils nous carottent, carottons-les ! »

Portes fermées, stores baissés, l’agence est quasiment vide. Chacun se cloître dans son bureau. « Nous sommes en plein travail, nous ne sommes pas à votre disposition » , lance la responsable de communication, dépassée.
« Effectivement, spéculer doit être un travail très difficile » , répond une militante, les yeux gonflés. « Mais très certainement madame, sourie sans hausser le ton l’employée de FitchRating, dans son tailleur noir. Mais nous n’en savons rien, car cela n’est pas notre métier. »

« Je ne comprends pas leur présence , explique la responsable de communication. Nous prenons des demandes d’entretiens mais cela n’est pas une façon de fonctionner. La question (de la spéculation sur la dette de l’Unedic) n’a pas de sens, nous ne faisons pas de spéculation. Seulement il faudrait connaître le fonctionnement des marchés financiers pour le comprendre » , envoi-t-elle dédaigneusement.

Dans le joyeux bazar ambiant, les militants demandent à connaître les critères de notation de l’Unédic. Un court temps d’hésitation plus tard, on leur remet la synthèse du rapport de notation. Leila Chaibi improvise une lecture publique :
« « Facteurs susceptibles de modifier les notes : une modification importante des caractéristiques du régime d’assurance chômage justifierait un action négative sur les notes « . En d’autre terme, l’Unédic ne pourra pas augmenter les allocations » .

Fort de cette certitude, la troupe bon enfant tourne les talons. Midi, fin de l’occupation.

Temps de lecture : 3 minutes