Mémoire de sales gosses

Les tubes des Olivensteins, groupe de rock des années 1970, sont réédités. Trente ans de plus et pas une ride.

Jacques Vincent  • 10 mars 2011 abonné·es

C’était en 1976-1977. Avec les punks, le rock retrouve l’excitation originelle et ses bases : l’envie et l’énergie. C’est pour beaucoup une invitation à saisir la vague, et les groupes surgissent de partout. Pour une fois, la France n’est pas en reste. Les Olivensteins, dont on réédite les trois titres de leur unique 45 tours agrémentés de démos et d’enregistrements publics, viennent de Rouen, qui a déjà, avec les Dogs, donné le jour au plus beau groupe de rock français.

Grands frères des Olivensteins, les Dogs en seront aussi les parrains. Dominique Laboubée, leur chanteur et guitariste, malheureusement disparu en 2002, compose même ce qui reste leur hymne, « Fier de ne rien faire », sur un texte signé Éric Tandy – le groupe possède en effet cette singularité d’avoir un parolier dédié à ce seul exercice. Le morceau résume assez l’état d’esprit de la bande.

Non contents de s’être emparés du nom du docteur Olivenstein, alors célèbre directeur de l’hôpital Marmottan, les Olivensteins mettent un point d’honneur à peaufiner leur attitude de sales gosses et en rajoutent dans la provocation avec des titres comme « Pétain, Darlan (c’était l’bon temps) » ou « Euthanasie ». Rien de tout cela n’est à prendre au premier degré ; on y entend surtout le rire sardonique de Johnny Rotten dans l’intro d’« Anarchy in The UK ».

Ce serait d’ailleurs resté anecdotique si le groupe s’était résumé à cela. Ce n’était pas le cas. Ceux qui les ont connus à l’époque le savent qui n’ont jamais oublié « Fier… » ou « Euthanasie ». Leurs compositions avaient cette force qui les faisait s’incruster dans la mémoire. Les autres découvriront un groupe mené par un guitariste nerveux et précis, ­Vincent Denis, qui avait l’élégance de jouer sur Rickenbacker, et un chanteur, Gilles Tandy, à la gouaille partagée entre pure énergie et moqueuse indolence.

Cette compilation est donc essentiellement composée d’inédits. Entre « Euthanasie », version longue, radicale, abrasive et encore meilleure que l’originale dans une sorte de croisement entre Dutronc et les Stooges, « le Spécialiste », puissant et hanté, les relents pop de « la Nuit tragique » ou « Olivenstein, je t’ai dans la peau », aux éclats sonores comme du verre brisé, elle montre un groupe inspiré qui savait donner une identité propre à chaque morceau. Et possédait un talent plus rare encore, surtout à l’époque, pour dépasser l’imitation et réussir une version française toute personnelle digne de s’afficher aux côtés des modèles anglo-saxons dont ils assuraient fréquemment les premières parties.

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