Une bonne claque pour les sécuritaires

Christine Tréguier  • 24 mars 2011 abonné·es

Loppsi 2 aura fait couler beaucoup d’encre. Au fil des faits divers, la loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure est passée de 46 articles en mai 2009 à 142 après le discours de Grenoble. Le Conseil constitutionnel vient d’en censurer treize, une première dans l’histoire de la Ve République. Autre fait peu courant, les sages se sont auto-saisis sur cinq articles en sus des quinze qui leur étaient soumis. Et le ministère de l’Intérieur a beau dire le contraire, cette censure est un désaveu et un obstacle aux annonces ultra-répressives de Grenoble. Un bon nombre des articles censurés sont en effet ceux qui devaient donner corps aux promesses du chef de l’État de sévir contre certaines populations désignées comme fauteuses d’insécurité – mineurs, Roms, immigrés en situation irrégulière, etc.

Les mesures que Nicolas Sarkozy souhaitait voir appliquer aux mineurs – application de peines planchers aux primo-délinquants, convocation devant le procureur sans saisir le juge des enfants, et possibilité de sanctionner les parents d’une contravention en cas de couvre-feu non respecté – ont été rejetées car « non conformes aux exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs » .

L’article permettant aux préfets d’évacuer sous 48 heures des terrains illégalement occupés a, lui aussi, été biffé. Il visait les Roms, mais également toute forme d’habitat alternatif, et avait suscité une forte mobilisation des associations de défense du mal-logement. Les sages ont souligné qu’il s’agissait là d’une « conciliation manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les autres droits et libertés » , qui occultait toute « considération de la situation personnelle ou familiale de personnes défavorisées et ne disposant pas d’un logement décent » .
Exit aussi l’aménagement de salles d’audience au sein des centres de rétention administrative pour accélérer les expulsions des sans-papiers.
Rappelons au passage que la plus polémique de ces mesures, le retrait de la nationalité française à toute personne d’origine étrangère portant atteinte à la vie d’un fonctionnaire dépositaire de l’autorité publique, a été abandonnée par peur d’inconstitutionnalité.

Le Conseil a également estimé qu’on ne pouvait pas déléguer à des entreprises privées la vidéosurveillance générale de la voie publique (mission réservée à la force publique). Ni des prérogatives de police judiciaire, comme les contrôles d’identité, à la police municipale. S’il a validé les fichiers d’analyse sérielle, il a toutefois limité leur usage au cas par cas, et la conservation des données à trois ans. Enfin, il a repoussé l’article 90, créant une peine d’occupation illicite du domicile d’autrui, pour non-respect de « la règle de l’entonnoir ». En clair, cet article ajouté n’avait rien à faire là.

Mais, face à la liste des mesures ayant échappé à la censure, le Syndicat de la magistrature traduit le sentiment général en soulignant « le succès d’une stratégie qui a consisté à surcharger la loi de dispositions répressives à la constitutionnalité douteuse pour mieux assurer l’adoption de certaines d’entre elles » .

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