Dépasser la gauche… par le centre ?

Europe Écologie-Les Verts (EELV) défend un non-alignement sur les classiques affrontements gauche-droite. Au risque, estiment certains, de dépolitiser le mouvement.

Patrick Piro  • 7 avril 2011 abonné·es

Un écologiste historique se disait « frappé » , récemment, de constater la place prépondérante prise lors de réunions de groupes Europe Écologie-Les Verts (EELV) par des questions environnementales de base, des pistes ­cyclables aux créations d’Amap (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne) en passant par les couloirs de bus.

Le mouvement serait-il menacé de dépolitisation ? En 1994, les Verts rompent avec le dogme interdisant toute alliance avec la gauche ou la droite (le « ni-ni ») et s’ancrent dans le camp de la gauche. Mais, après l’échec du PS à la présidentielle de 2002, l’écologie politique revendique plus fermement son autonomie. La fusion d’Europe Écologie avec les Verts le 13 novembre 2010, lancée par Daniel Cohn-Bendit, consacre un nouveau discours : EELV se définit dans un « au-delà » de l’affrontement gauche-droite. Un dépassement de pensées politiques, en particulier la « vieille gauche » décriée en interne, en peine d’appréhender les défis du siècle, explique-t-on.

Les écologistes s’apprêteraient-ils à renoncer aux valeurs de solidarité et de justice sociale, qu’ils ont parfois bien du mal à concilier avec la critique virulente du productivisme et de certains secteurs industriels (pourquoi protéger des emplois qui nuiraient au climat ?) ? Ces valeurs sont au cœur de leur manifeste, se défend ­l’eurodéputé Jean-Paul Besset, principale plume du texte et bras droit de Nicolas Hulot.

Quand on se penche sur la carte électorale, les nouvelles voix écologistes se recrutent cependant largement côté centre (et dans les centres-villes) plutôt qu’au sein de la gauche radicale ou populaire. Les offensives de séduction en direction de personnalités d’ouverture, telle Corinne Lepage, du MoDem, ont surtout ciblé et conquis des modérés. Quant à la probable candidature de Nicolas Hulot, qui ne cache pas ses amitiés à droite, elle alimente aussi la thèse d’un éloignement des écologistes du sérail de la gauche. Du côté des alliances, si les accords ne sont envisagés qu’avec des partenaires de gauche [^2], des candidats écologistes ont parfois hésité à soutenir le PS au second tour face au Front national lors de dernières cantonales.

Très surprise, Francine Bavay, vice-présidente EELV du conseil régional Île-de-France, cataloguée à gauche du parti, ne voit cependant pas là une droitisation rampante, mais plutôt « une exaspération envers un parti socialiste qui n’a jamais fait évoluer un système électoral défavorisant les petites formations » . Même analyse pour le « non-désistement automatique » en faveur de la gauche au second tour. Cette règle s’est appliquée dans une quarantaine de cantons où la droite était éliminée. Une dizaine de duels face à des communistes traduisent pour l’occasion des tensions locales comme des divergences politiques plus globales, notamment sur les questions d’écologie.

Pour 2012, Daniel Cohn-Bendit clame sa préférence pour Dominique Strauss-Kahn. Une option minoritaire chez les écologistes, mais tenue par le premier des ténors du mouvement. Cap au centre pour Europe Écologie-Les Verts ?

[^2]: Officiellement, car il existe des cas d’accord locaux avec les centristes.

Publié dans le dossier
Enquête sur la gauche de droite
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