Vent de révolution dans l’antre du capitalisme

Un petit groupe de mécontents s’est immiscé dans l’assemblée générale des actionnaires de Casino
pour dénoncer les pratiques du groupe et de son PDG.

Pauline Graulle  • 21 avril 2011 abonné·es

Jeudi 14 avril, 10 heures, Paris XVIIe : assemblée générale annuelle des actionnaires du groupe Casino. Ils sont plus de trois cents à somnoler plus ou moins dans la chic salle Wagram. À la tribune, Jean-Charles Naouri, le PDG, veut rassurer : objectifs de croissance de 10 % par an, réduction des coûts, prix encore plus compétitifs… Entre deux PowerPoint, des films promotionnels défilent, montrant des salariés un peu trop souriants dans un décor couleur bonbon.

Dans la salle obscure, Joël se marre : « La vérité, c’est qu’on bosse 60 heures par semaine, six jours sur sept, pour 1 000 euros par mois, chuchote ce gérant d’un Petit Casino. Si on ne fait pas assez de chiffre, on nous dégage en un coup de fil. » Joël est venu avec une quinzaine d’acolytes titulaires d’une action – sésame pour participer à ce simulacre de démocratie d’entreprise. Parmi eux, des anciens de Moulinex qui accusent Jean-Charles Naouri d’avoir fait liquider la boîte pour toucher le pactole quand il en était actionnaire. Et aussi François Ruffin, fondateur de Fakir , magazine indépendant condamné au dépôt de bilan depuis que Casino lui réclame 75 000 euros pour diffamation.

Depuis cinq bonnes minutes, tous attendent main levée qu’on leur donne la parole. Ils finissent enfin par s’emparer du micro. Une rumeur outrée parcourt la salle, sortie de sa torpeur. Les gorilles de la sécurité enserrent la petite délégation. « Monsieur Ruffin, au nom de qui parlez-vous ? Je suis désolé pour les actionnaires de cet inconfort… » , s’énerve Jean-Charles Naouri. Sur les questions de fond – la précarité des gérants, les 25 millions touchés par Naouri après la fermeture de Moulinex, les folies du capitalisme financier… –, on n’en saura pas plus. Le groupe entonne l’ Internationale sous les huées avant de se faire sortir manu militari . Pas sûr que ces actionnaires-là seront les bienvenus ­l’année prochaine…

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