À contre-courant / Refuser le Pacte d’austérité

Pascal Canfin  • 29 septembre 2011 abonné·es

Le Parlement européen adoptait définitivement cette semaine [^2] la réforme du Pacte de stabilité et de croissance. Renforcement des modalités de sanctions des États, instauration de pénalités financières pour les États qui dépassent les déficits autorisés, création d’une obligation de réduction de la dette publique lorsqu’elle dépasse 60 %, etc.

Le Pacte de stabilité est d’abord, dans le contexte actuel, un pacte d’austérité. Or, la dette publique n’est pas la responsable de la crise. Elle en est la conséquence. La dette moyenne dans la zone euro s’élève à 80 % alors qu’elle était de 62,3 % en 2008. Cette « dette de crise » est la conséquence de la crise financière : en premier lieu, via l’argent engagé pour le sauvetage des banques et, plus indirectement, via les dépenses réalisées pour empêcher une crise économique majeure, notamment au travers des plans de relance. Il serait donc parfaitement légitime d’isoler cette dette et d’assurer son remboursement par un prélèvement sur les profits du système financier ainsi que par un financement de la Banque centrale européenne. Les droites européennes, qui disposent de la majorité au sein des États comme au Parlement européen, en ont décidé autrement : il s’agit de faire payer le pompier et non le pyromane. Une responsabilité politique qu’elles devront assumer devant les citoyens en France en 2012 et en Allemagne en 2013.

La réforme du Pacte de stabilité comporte une autre partie qui étend la gouvernance européenne à ce qu’il est convenu d’appeler les « déséquilibres macroéconomiques ». Autrement dit, les excédents commerciaux allemands et les déficits des pays de l’Europe du Sud. Cette extension est en soi une bonne chose car nous ne pouvons pas conserver une monnaie commune si nos économies continuent de diverger, à moins d’engager des transferts financiers massifs, ce que les États du nord de l’Europe ne sont pas aujourd’hui prêts à accepter. Dès lors, il est nécessaire d’essayer de réduire les déséquilibres à la racine. Mais encore faut-il traiter cette question non d’un point de vue « moral » mais d’un point de vue économique. En Allemagne, comme aux Pays-Bas ou en Autriche, par exemple, les pays excédentaires sont perçus comme « vertueux » et les pays en déficits comme des « tire-au-flanc ».

Le problème est que les excédents des uns sont très largement les déficits des autres. Si l’Allemagne exporte autant en Europe, c’est d’abord en raison de la qualité de ses produits. Le nier serait absurde. Mais c’est aussi parce que les consommateurs et les entreprises des autres pays européens s’endettent pour les acheter. Et auprès de qui s’endettent-ils ? Notamment auprès des… Allemands, qui disposent d’une épargne excédentaire. Mettre fin à ce cercle vicieux doit être une priorité de l’Union européenne, et le nouveau Pacte de stabilité donne enfin les moyens d’agir à la Commission. Mais, sous l’influence des États excédentaires, celle-ci pourrait être amenée à privilégier les réformes uniquement dans les pays déficitaires alors que l’évolution du partage de la valeur ajoutée en Allemagne depuis dix ans, ultra-défavorable aux salariés, est clairement l’une des causes profondes de nos déséquilibres.

La question de la dette publique sera au cœur de la campagne de 2012 en France. L’impossibilité de tabler, pour des raisons écologiques, sur une croissance forte du PIB et de rembourser demain les dettes actuelles introduit une perspective nouvelle, largement absente des traditionnels raisonnements keynésiens. Elle justifie non seulement une politique de réallocation des dépenses publiques vers le financement des investissements écologiquement et socialement utiles, mais aussi la nécessité d’une réduction progressive des déficits. Celle-ci ne peut cependant en aucun cas se faire par des coupes massives dans les budgets publics et par la remise en cause de nos modèles sociaux. Elle passe par une augmentation des prélèvements obligatoires pour les plus riches et pour les grandes entreprises, et par une lutte acharnée contre l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux, dont le manque à gagner pour le budget de la France est, rappelons-le, évalué à 40 milliards d’euros par la Cour des comptes. 40 milliards d’euros… soit les deux tiers de l’effort à réaliser pour revenir à un déficit public de 3 %.

[^2]: Lors de la session plénière du Parlement européen, du 26 au 29 septembre.

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