À contre-courant / Un été meurtrier

Politis  • 8 septembre 2011 abonné·es

Le minikrach intervenu au cours de cet été meurtrier, où certaines banques ont perdu 40 % de leur valeur boursière, nous rappelle que nous ne sommes pas sortis de la crise. Les facteurs à l’origine de la crise du modèle de développement néolibéral n’ont pas disparu. Outre les effets néfastes de la déréglementation financière, deux d’entre eux doivent être soulignés. D’une part, la baisse du pouvoir d’achat des ménages à revenus modestes, poussant ces derniers à l’endettement ; d’autre part, la chute des ressources fiscales de l’État, organisée par les politiques fiscales néolibérales.


La modération salariale, condition nécessaire à la maximisation du taux de marge des entreprises, s’est accentuée. Elle fut la cause de l’endettement massif des ménages modestes, organisé par une industrie financière qui a ensuite transformé en produits dérivés les créances qu’elle détenait sur les salariés qu’elle avait fait rêver. À l’origine de la crise de 2008, on trouve donc, aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne, les défauts de paiement des ménages modestes ayant contracté des crédits hypothécaires. La titrisation de ces produits sous forme de dérivés de crédit par l’industrie financière a ensuite engendré la prolifération des actifs toxiques dans le bilan des banques du monde entier. La suite est désormais connue : dégradation du bilan des banques, baisse des valeurs bancaires en Bourse, tension des taux sur le marché interbancaire, crise de crédit dans l’économie réelle à l’automne 2008, récession mondiale.


La reprise, timide, intervint en 2010, après la mise en place de plans de sauvetage des banques, de mesures monétaires dites « non conventionnelles » mises en œuvre par la FED et la BCE, et de quelques mesures de relance. Dans l’Union européenne, ces mesures contra-cycliques furent retirées dès 2011, alors que les taux d’utilisation des capacités de production restaient inférieurs à leurs taux normaux. L’investissement n’avait dès lors aucune chance de redémarrer, en l’absence de demande. La rechute fut amplifiée par la réaction excessive des États aux pressions des agences de notation et autres lobbies néolibéraux, réclamant l’institutionnalisation dans les textes européens des politiques de « consolidation budgétaire ».


Ces politiques avaient commencé à s’appliquer tout au long des décennies 1990 et 2000. Elles ont réduit le périmètre d’un État social dont les ménages à revenus modestes et moyens sont les premiers utilisateurs, pour baisser les impôts des plus aisés. Aux États-Unis et en Europe, le déploiement de ces politiques fut concomitant de la montée de la dette publique, qui a explosé à l’occasion du choc conjoncturel de 2008.


Les réformes structurelles du marché du travail, de la protection sociale et des services publics, mises en œuvre dans les plans d’austérité qui se déploient en Europe, sont susceptibles de faire plonger le monde dans la récession, sans parvenir à résorber les déficits publics. L’exposition des banques aux dettes publiques pourrait transformer les risques de défauts de paiement de certains pays en risque systémique. Les bilans se dégraderaient. Les valeurs bancaires seraient à nouveaux attaquées en Bourse. Les banques seraient incapables de respecter les nouvelles exigences de fonds propre de Bâle III. Les taux se tendraient sur le marché interbancaire. La préférence pour la liquidité serait totale, et la crise de crédit s’installerait. Cela appellerait une nouvelle intervention budgétaire pour recapitaliser les banques et relancer l’économie, une mutualisation des dettes souveraines et une restructuration des dettes illégitimes, bref, une crise rebattant les cartes de la politique économique, ou débouchant sur l’éclatement de la zone euro.

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