« À l’avenir, on découpera la ville en bio-îlots »

Le « tout-accession » n’a fait que générer un habitat de mauvaise qualité. Réaménagement du territoire et nouvel habitat social sont nécessaires. Explications de Dominique Gauzin-Müller, architecte.

Pauline Graulle  • 29 septembre 2011 abonné·es

Politis : Le logement individuel est-il en passe de devenir un luxe ?


Dominique Gauzin-Müller : Le sacro-saint pavillon ne pourra pas résister longtemps aux nouvelles réalités. Le « tout-accession » prôné depuis 2007 par le gouvernement encourage la prolifération de maisons individuelles de médiocre qualité et précarise des ménages modestes avec, en outre, des effets pervers sur l’aménagement du territoire.

Préoccupations écologiques, nouveaux modes de vie et concentration en zone urbaine de 77,5 % des Français appellent une réinvention de l’habitat. Le coût du logement, de plus en plus inabordable même pour les classes moyennes, est devenu le souci majeur des familles et des collectivités locales. Le prix du foncier pousse les ménages les plus modestes en périphérie lointaine, accélérant l’étalement urbain. Or, les lotissements de pavillons bon marché mal construits, qui fleurissent à vitesse accélérée, détruisent nos paysages, multiplient les déplacements, paupérisent la qualité du bâti et banalisent nos cités.


L’habitat participatif est-il en train de se développer en France ?


Pour survivre à une crise culturelle, sociale, politique, écologique et économique, l’humanité globalisée a besoin d’inventer de nouvelles solidarités. De plus en plus, des citoyens français deviennent acteurs de leur ville, assument des responsabilités, pratiquent l’entraide. L’habitat participatif, qui permet l’accession à un logement sans spéculation ni but lucratif, est un élément clé de ce mouvement. Ses membres deviennent d’ailleurs souvent les moteurs d’initiatives améliorant la qualité de vie du voisinage : crèches parentales, fêtes de quartier, jardins partagés, coopératives d’achat…


L’Allemagne pratique depuis longtemps cet habitat en autopromotion qui permet d’économiser les 15 à 20 % de la marge du promoteur et d’en investir une partie dans des mesures écologiques.
En France, deux projets en structure bois initiés au début des années 2000 ont été concrétisés cette année après un parcours semé d’embûches : dix logements BBC (bâtiments basse consommation) pour Eco-logis à Strasbourg, quatre appartements très personnalisés pour La Salière à Grenoble. Une cinquantaine d’autres projets participatifs sont en train d’éclore dans l’Hexagone.


Dans les pays scandinaves, on voit se développer les logements modulaires… Et en France ?


L’habitat modulaire, déjà en vogue dans les années 1980, revient sur le devant de la scène architecturale, en France comme en Scandinavie. La « maison en kit » donne lieu à des projets sympathiques, mais l’enjeu du modulaire [^2], c’est l’habitat social collectif. Le bois en est le matériau privilégié. La préfabrication minimise les coûts, réduit les nuisances de chantier et profite de la précision de composants industriels pour améliorer l’étanchéité à l’air et l’isolation thermique de l’enveloppe.


Exemple parmi d’autres : Aquitanis, bailleur social de la région bordelaise, vient de mettre en chantier, à Floirac, l’opération d’habitat modulaire Rosa Park avec l’agence d’architecture Tetrarc et l’industriel Everwood. Ses cinquante logements semi-collectifs sont fondés sur trois composants de base : entrée et sanitaires, séjour avec coin cuisine (31 m2) et chambre (11 m2). La diversité vient de la capacité de ces modules à être assemblés dans toutes les directions, et d’une offre variée de prolongements du logement vers l’extérieur : jardin arrière ou avant, espace latéral protégé, terrasse couverte ou ouverte…

À quoi ressemblera le logement du futur en ville ?


L’enjeu de l’habitat est aujourd’hui de faire coïncider le désir d’individualité et la nécessité de densifier le logement dans une civilisation post-fossile de plus en plus urbaine. Un aménagement écoresponsable du territoire alternera zones denses et espaces naturels pour la récréation et la production agricole dans des jardins familiaux.
Dans une société où de nouvelles solidarités doivent se mettre en place pour pallier l’éclatement du schéma familial traditionnel, cet aménagement encouragera aussi le lien social, à l’image des « villes en pantoufles » imaginées par Philippe Madec. Cet architecte-urbaniste propose de découper la ville en « bio-îlots », microquartiers à taille humaine qui favorisent des rencontres plus fréquentes et des échanges plus conviviaux. Il s’agit d’espaces où les commerces et services courants seront accessibles à pied en quelques minutes. Dans cet environnement plus familier, chacun pourra aller chercher sa baguette ou son journal… en pantoufles.


[^2]: Voir le prochain numéro d’ Ecologik (octobre/novembre).

Publié dans le dossier
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