Dix solutions pour tenter de sauver les meubles

Ingrid Merckx  et  Thierry Brun  et  Pauline Graulle  et  Anne Solesne Tavernier  et  Grégoire Normand  • 29 septembre 2011 abonné·es

Mon Dalo !

Ce fut une grande réussite des associations d’aide au logement. En 2008, après des semaines de squat des rives du canal Saint-Martin à Paris, naissait la loi Dalo (pour Droit opposable au logement). Trois ans plus tard, 15 000 foyers attendent l’un des 1 000 logements attribuables par la préfecture chaque année. Joseph, 48 ans, est dans le lot. Un beau jour, son propriétaire récupère l’appartement qu’il louait depuis huit ans à Puteaux. « À la même époque, je me suis retrouvé au chômage. Je ne pouvais pas trouver une autre location. » Il dépose une demande de logement social à la mairie, rencontre les élus, va jusqu’à « prendre [sa] carte dans le parti du maire pour se faire bien voir »  ! Rien. 


Il dépose un dossier Dalo à la préfecture… qui requalifie sa requête en demande d’hébergement. « Mais habiter en foyer n’est pas ce que j’avais demandé ! » Joseph se tourne alors vers le DAL (Droit au logement), qui l’aide à construire un nouveau dossier. Il a reçu un avis favorable en février 2011.
Depuis, Joseph, qui donne quelques cours d’économie en CDD dans un lycée, attend. « J’ai visité un appartement à 500 euros mensuels au mois d’août, mais on m’a dit que je ne gagnais pas suffisamment pour l’obtenir. Pourtant, ma chambre d’hôtel, je la paie 600 euros par mois », soupire-t-il. Seul espoir d’avoir gain de cause : s’impliquer dans les associations d’aide au logement. Notamment le DAL, où il est désormais très actif. « Grâce à cela, d’ici à la fin de l’année, ma situation devrait évoluer. De toute façon, je n’ai pas d’autre choix ! » [^2]

Achat sur plan

L’achat sur plan paraît risqué. Ne pas « voir » inquiète, malgré l’existence de plans en 3D et d’appartements témoins. En fait, ce serait l’achat le plus encadré : frais de notaire réduits, indemnités en cas de retard de livraison, garanties d’achèvement, charges faibles… En outre, c’est un achat assez aidé.

Conséquence positive du Grenelle de l’environnement, les immeubles en construction sont soumis à des normes environnementales (BBC), d’où des aides financières étendues pour des primo-accédants, du type prêt à taux

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zéro + (PTZ +) et exonération de taxe foncière. Le système a un inconvénient : il implique un délai d’attente pendant lequel il faut pouvoir cumuler loyer et remboursement du crédit. Mais le PTZ n’est pas remboursable immédiatement. Ça laisse une petite marge…

Vive la coloc’

Vous pensiez que la colocation était réservée aux étudiants sans le sou ? Raté ! Longtemps refuge des recalés de la cité U (11 % des 2,2 millions d’étudiants vivent à plusieurs), la colocation concerne de plus en plus toutes les classes sociales et toutes les générations. Normal : la mise en ménage et l’obtention d’un travail (les emplois précaires et/ou à temps partiel augmentent, notamment chez les jeunes) ne garantissent plus l’accès à un logement individuel.

Jadis spécialité anglo-saxonne, cette forme de cohabitation de moins en moins temporaire explose donc en France sous l’influence des contraintes économiques. Exemple : Caro et Sarah, 29 et 27 ans, la première titulaire d’un CDI à 1 200 euros mensuels et la seconde étudiante, qui logent dans un petit trois-pièces parisien à 1 000 euros. Ou Nico et Jennifer, 33 et 25 ans, lui intermittent, elle pigiste, qui vivent en couple sous le même toit qu’Alexandre et Ophyr…

Si on ne peut quantifier ce phénomène encore très marginal, il semblerait que les seniors s’y mettent aussi. Le site appartager.com ou le magazine Notre Temps ont ainsi vu se multiplier les petites annonces pour colocataires de 60 ans et plus.

Les avantages sont évidents – rompre la solitude, faire des économies… Mais les inconvénients aussi. Les querelles de vaisselle, les ébats amoureux un peu trop passionnés… De plus, « les logements ne sont pas adaptés à l’indépendance de colocataires, et la réglementation, notamment en termes d’aides au logement, ne prévoit pas la colocation » , soulignait, en 2009, un rapport du Conseil économique et social sur les conditions de vie des seniors. Enfin, de nombreux propriétaires refusent tout simplement de louer à une colocation de peur que la gentille auberge espagnole ne se transforme en capharnaüm.

Chambre en ville

«Nous proposons à un(e) étudiant(e) une chambre dans notre maison en échange de garde d’enfants et de tâches ménagères. » L’hébergement

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contre services est une solution de plus en plus en vogue, et les annonces se multiplient sur Internet. Le logement intergénérationnel, en particulier, connaît un grand succès. Une agence spécialisée, Risehome, a même vu le jour en 2010 en Île-de-France. Échange de bons procédés entre seniors et étudiants, avec plusieurs formules : chambre gratuite contre présence garantie le soir, ou chambre à prix modéré contre petits services.

En France, PariSolidaire, l’une des premières associations d’information, a vu le jour en 2004. D’autres ont suivi, comme Ensemble2Générations. Quant au réseau Cosi, il permet de trouver une association n’importe où en France.

Un HLM pour les super-patients

Trouver un logement à loyer modéré (HLM) n’est pas simple, mais pas impossible quand on a peu de revenus. Il y a d’abord un formulaire de demande à remplir si l’on répond aux critères de plafond des ressources.
Ce document administratif est le même pour l’ensemble des organismes HLM depuis octobre 2010 (téléchargeable sur http://vosdroits.service-public.fr). Il est indispensable de déposer sa demande en préfecture et en mairie pour multiplier les chances. Il faut aussi adresser une demande à votre entreprise (y compris celles qui ont moins de dix salariés), qui contribue au 1 % logement et a la possibilité de réserver des logements pour ses salariés.

Certes, les délais sont longs, souvent très longs, mais il ne faut pas hésiter à renouveler votre demande, à relancer les services concernés et surtout à s’adresser directement aux bailleurs sociaux (voir encadré ci-dessous).[[Pour connaître les conditions et la procédure d’accès
au logement social, consulter le site www.vosdroits.service-public.fr]]


Une coopérative HLM peut vous aider

La location et surtout l’accession sociale à la propriété ne relèvent pas de l’utopie, grâce aux coopératives HLM. La première astuce, si on répond aux critères fixés pour l’accès au HLM, est de se munir de son numéro d’inscription puis d’exiger la liste des bailleurs sociaux auprès de la mairie ou de la préfecture. Souvent, il en manque : des logements sont donc disponibles, sans que vous le sachiez. Surtout, contactez les coopératives HLM de votre région. Certaines font même du conseil aux ménages souhaitant acquérir un logement. Les dossiers sont suivis par ces bailleurs méconnus qui proposent des logements de qualité, souvent à un prix inférieur de 10 à 20 % à ceux du marché, même aux portes de Paris.


Bail solidaire, le coup de pouce

L’État et les associations comme Aurore ou Inser’toit s’investissent dans le bail solidaire. Depuis novembre 2008, le dispositif Solibail consiste à louer un bien à une association par le biais de l’État, qui se porte garant en cas de loyers impayés.

Après l’Île-de-France, le dispositif Solibail s’est élargi à l’ensemble du territoire. Il permet de faciliter l’accès à un logement pour les familles qui sont inscrites dans un processus d’insertion et d’autonomisation mais qui logent encore en centre d’hébergement ou à l’hôtel.

Le contrat de location entre l’association et le propriétaire peut aller jusqu’à trois ans renouvelables. Le logement doit répondre à des critères de décence et de proximité avec les transports en commun.

Après un début timide, le programme Solibail a permis de capter 2 650 logements dans le parc privé : plus de 5 500 personnes ont été relogées de la sorte. Par ailleurs, 323 ménages sont sortis du programme pour s’orienter vers un logement ordinaire, prouvant que le bail solidaire peut remplir son office de mise à l’étrier.

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Kit et huile

de coude

Jusqu’à 30 % d’économie pour une maison neuve ! Par quel miracle ? C’est la maison « prête-à-finir » : le constructeur s’occupe des fondations, murs extérieurs, toiture, raccordement aux réseaux ; et le « reste », c’est pour vos mains : isolation, cloisons, sols, plomberie, électricité, pour lesquels le constructeur vous livre tous les éléments en vrac. Pas besoin d’être un bricoleur acharné, assurent les vendeurs : le néo-propriétaire est guidé par une notice détaillée – il ne lui en coûtera que « deux ou trois mois de travail tous les soirs et les week-ends » . Et en bonus, l’immense satisfaction de « l’avoir fait ». Voilà pour le rêve.

Le côté réalité est moins chatoyant. Certes, l’auto-construction ne date pas d’hier : dans les années 1950, se développe le mouvement coopératif des Castors. Cependant, l’entraide entre futurs propriétaires, essentielle à la réussite des opérations, est absente du « prêt-à-finir » : les candidats à la propriété très bon marché sont seuls face aux constructeurs. Et il s’agit très généralement de familles modestes et en « primo-accession », sans expérience immobilière. Sauront-elles juger de la qualité du gros œuvre livré ? La fosse sanitaire est-elle comprise si le tout-à-l’égoût n’arrive pas jusqu’au terrain ? Comment évaluer sa capacité à finir la maison ? Prudence double, donc, pour que les économies promises ne soient pas englouties par des débours « imprévus ».

Quitter la ville pour le vert

*
«Quitter la grande ville, aujourd’hui, c’est quasiment un acte politique pour refuser cette tyrannie de l’immobilier !,* s’exclame Anne, scénariste. Cette

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crise économique va peut-être nous expulser de la mégalopole, où c’est trop dur, et nous obliger à inventer autre chose ailleurs, individuellement mais aussi collectivement. Avec mon mari, on louait un appartement à Paris et on s’est acheté une maison en Auvergne. Quand la proprio a augmenté le loyer, on a décidé de bazarder Paris ! La mensualité en Auvergne devenait l’équivalent de notre loyer parisien, et on pouvait se loger dans 200 m2 avec un terrain au lieu de s’entasser avec les enfants dans 70 m2. Aujourd’hui, Paris, c’est payer cher pour être maltraité. »

Sandra (correctrice) et son compagnon (éducateur spécialisé) voulaient s’installer en Ariège, la question du logement n’a pas été déterminante mais elle est entrée en ligne de compte. Pour le même loyer que le petit deux-pièces qu’ils occupaient à Alfortville (94), ils habitent aujourd’hui une maison avec un jardin et se sont lancés dans l’auto-construction d’une plus grande avec l’aide d’une association. « Ça se fait beaucoup en Ariège, département rural qui se repeuple, explique Sandra. On peut trouver aussi des grandes maisons à des loyers très modiques – environ 300 euros – en échange d’une remise en état. Enfin, l’habitat temporaire se développe : tipis, yourtes, roulottes… »

[^2]: Agence nationale pour l’information sur le logement (Anil).

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10 solutions pour se loger quand même
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