Dans la peau de Patti Smith

Claudine Galea raconte sa relation physique entretenue par et avec la musique de son idole.

Ingrid Merckx  • 17 novembre 2011 abonné·es

Elle dit « elle » pour « je » et « je » pour « elle ». Claudine Galea parle d’elle-même à la troisième personne en ouverture de son hommage à Patti Smith, tandis qu’elle se glisse dans la peau de la chanteuse américaine. Et son fantasme d’adolescente de 16 ans, qui découvrit cette voix dans un village de pêcheurs près de Marseille en 1976, s’incarne. D’emblée, elle parle de corps, de magnétisme, de vertige. À la page suivante, elle est Patti chantant « Gloria » ( Horses ) : « Here she comes/walkin’ down the street/here she comes/comin’ through my door. » Un morceau d’abord assez blues, à la limite du folk, puis carrément rock. Comme un coup de foudre.

Florence, Italie, trois ans plus tard. « Il y avait toutes ces filles dehors avec leur chemise blanche et leur cravate noire/Ces clones/Et la même chose à Bologne/Des centaines de personne qui s’accrochaient à nous et nous demandaient de l’aide/Pour libérer des prisonniers politiques/J’étais devenue une icône. » Pas de ponctuation, juste des passages à la ligne : le poème en prose de Claudine Galea prend la morphologie d’une chanson. D’ailleurs, elle y introduit des extraits des textes de Patti Smith, mêlant français et anglais, et deux niveaux de considération : ce qu’elle imagine que Patti Smith pense à cette heure, et son commentaire musical… « Quand je suis entrée dans le rock, c’était un geste politique, pas une carrière. » Et puis la narratrice réintègre son identité : « J’étais une oie blanche, elle était une star. »

Il y a une parenté entre la démarche de Claudine Galea avec Patti Smith et celle de Lydie Salvayre avec Jimi Hendrix (voir Politis n° 1168). Sauf que Patti s’est appliquée à rester en vie. « No time to die. » Trente-deux ans plus tard, elle est toujours là, bon pied, bon œil, et vient de publier un nouvel album pour lequel elle est en tournée en France, et les Inrockuptibles lui consacrent un hors-série enamouré. Elle a cette particularité d’être une icône vivante. Pas si fréquent.

Autant Claudine Galea n’est pas complètement convaincante en Patti Smith, autant elle l’est en jeune fille expliquant comment une voix qu’on n’a jamais entendue peut sonner brutalement familière. Combien des paroles, même dans une langue étrangère, peuvent résonner avec des mélodies ou des râles très intimes. Et surtout, combien la musique peut prendre possession du corps en passant par le corps de l’autre – même dans une représentation imaginaire –, pour revenir à soi.

Musique
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