La foire aux cancres des Républicains

L’indigence caricaturale des sept candidats aux primaires, qui commençaient ce mardi dans l’Iowa, est finalement la meilleure chance d’Obama d’être réélu.

Denis Sieffert  • 5 janvier 2012 abonné·es

C’est le paradoxe de la situation : les meilleurs alliés d’Obama sont peut-être… ses adversaires. Les primaires qui opposent actuellement les candidats républicains ont des accents de foire aux cancres. Le Texan Rick Perry, qui passait il y a quelques temps encore pour le favori, s’est un peu couvert de ridicule en oubliant, lors d’un débat télévisé, le troisième ministère qu’il avait l’intention de supprimer. Pathétique trou de mémoire. « Oups ! » , dit-il. « L’environnement » , lui souffle l’un de ses concurrents. « Oui, c’est ça, l’environnement. » Avant d’avouer que ce n’était pas « ça ».

Férocement antifédéral, Perry a déjà menacé de proposer la sécession du Texas si Washington continue de harceler le peuple. De même, l’ultralibéral Ron Paul s’est fait piéger par un journaliste taquin qui – tant qu’à tout déréguler – lui a demandé s’il ne fallait pas aussi supprimer les aiguilleurs du ciel : « Pourquoi pas ? » , a répondu le candidat. Mais Ron Paul veut lui aussi supprimer des ministères, l’Éducation en premier lieu… Et, pour faire bonne mesure, la Banque centrale. Cela ne l’empêche pas d’apparaître en troisième position dans les sondages.

Le leader des sondages est actuellement l’ancien speaker (président) de la Chambre des représentants, Newt Gingrich. On pourrait penser que son problème à lui est d’avoir affirmé que « les Palestiniens n’existent pas » , avant d’estimer tout de même que ce sont « des terroristes » . Mais ce serait plutôt de nature à le servir. En revanche, pour cet électorat ultraconservateur, ses remariages et la liste de ses maîtresses font mauvais genre. Mais Gingrich plaît lorsqu’il invite les jeunes manifestants d’Occupy Wall Street à « chercher du boulot après avoir pris un bon bain » .

Gingrich et Ron Paul sont les champions de la lutte contre l’impôt et les taxes. Les propositions du premier aboutiraient à une perte de 1 280 milliards de dollars en trois ans pour les caisses de l’État. Pas question non plus de Sécurité sociale, mais de placements financiers, comme le suggère la société de crédit hypothécaire dont Gingrich est le lobbyiste le plus éminent, et le plus grassement rémunéré…

Quant à Michele Bachmann, hallucinée porte-parole du mouvement Tea Party, où elle a succédé à Sarah Palin, elle croit toujours que l’Union soviétique existe. Tous ces candidats ont au moins trois points communs : une piété extrême (pour Perry, la marée noire dans le golfe du Mexique est un « acte de Dieu »), la haine du pouvoir fédéral et un mépris appuyé pour les questions environnementales. À bien y regarder, ces positions déraisonnables ont un contenu politique : l’ultralibéralisme.

Finalement, le candidat qui surnage est le mormon Mitt Romney. Celui-ci peut mordre sur l’électorat centriste convoité par Obama. Côté républicain, il a un handicap : il parle français. Cette particularité avait causé la perte du candidat démocrate John Kerry, en 2004, face à George W. Bush. Obama, lui, est fréquemment accusé de vouloir transformer les Américains « en Français ». « Français » est d’ailleurs devenu un quasi synonyme de « communiste ». Selon un sondage, un quart des Américains croient que la guerre d’Indépendance a été remportée contre les Français. Pauvre La Fayette, qui n’est plus qu’un grand magasin !

Face à ce que les sociologues appellent « l’Amérique 50/50 », un pays grossièrement partagé entre ceux qui croient en la théorie de l’évolution et ceux qui n’y croient pas, le risque pour Obama est de devoir affronter un Républicain modéré comme Romney, mais il est plus encore de perdre son propre électorat. Les femmes, les Noirs, les jeunes, la tranche inférieure de la classe moyenne lui feront-ils payer ses reculs, son obsession du consensus avec ses pires adversaires et ses capitulations sur le terrain social ?

C’est la vraie question dans un contexte où l’autre Amérique est tentée par l’extrémisme. L’humoriste Jay Leno, cité par Donald Morrison, a peut-être le mot de la fin : « Obama a trouvé quelque chose qui était dans un état épouvantable, au bord de l’abîme, et il l’a requinqué : le Parti républicain. »

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Obama, one more time ?
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