À propos de référendum…

Denis Sieffert  • 8 mars 2012 abonné·es

Les deux dernières semaines devaient être celles de la folle remontée de Nicolas Sarkozy dans les sondages. Le candidat président devait revenir à hauteur de François Hollande. Mieux ! Les « courbes devaient se croiser ». Pour y parvenir, un programme prometteur : un meeting de lancement à Marseille, une visite en terrain conquis au Salon de l’agriculture, un contact chaleureux avec les Basques dans les rues de Bayonne, et un effet d’annonce à Florange avec la promesse d’un redémarrage du site sidérurgique au second semestre 2012. Nicolas Sarkozy devait remobiliser ses troupes à partir de deux axes – on devrait dire deux peurs : si François Hollande est élu, les riches fuiront notre pays, emportant avec eux leurs avoirs et leur capacité d’investissement au service de l’emploi ; et les élus municipaux musulmans nous condamneront à manger de la viande hallal à tous les repas…

Mais rien ne s’est passé comme prévu. Le meeting de Marseille, avec son dénigrement des corps intermédiaires et des contre-pouvoirs, a fait basculer idéologiquement la campagne dans un climat « années 1930 » qui a même refroidi une partie de la droite républicaine ; le Salon de l’agriculture a été saisi d’une vague de nostalgie post-chiraquienne. Quant à la direction d’ArcelorMittal, elle n’a attendu que quelques heures, jeudi, pour démentir la promesse du candidat et préciser que les hauts fourneaux ne redémarreraient qu’en cas de relance de l’économie…

Et, au même moment, dans les vieilles rues de Bayonne, où l’avait attiré Michèle Alliot-Marie, toujours habile stratège, le candidat connaissait l’épreuve d’une vraie rencontre avec une population qui n’était pas triée sur le volet, ni repoussée derrière des cordons de CRS, comme le Président en avait l’habitude. On connaît la suite : panique dans la délégation et retraite précipitée dans un café barricadé. L’image même de la popularité ! Aussitôt, Nicolas Sarkozy s’en est pris à François Hollande, accusé de vouloir se livrer à une «  épuration  ». Lui a-t-on fait remarquer qu’en se présentant comme une victime de l’épuration, il ne se plaçait pas forcément dans le camp le plus honorable au regard de l’histoire ? Enfin, il y a eu le débat ouvert par François Hollande autour de la fameuse tranche d’impôt à 75 %. Passons sur l’enfumage : Nicolas Sarkozy ayant tôt fait de suggérer que le prélèvement à 75 % porterait sur tout le salaire de ces salariés de luxe qui perçoivent plus d’un million par an, alors qu’il ne concerne que le surplus, au-delà du million. Le candidat-président aurait voulu conforter son image de défenseur des riches, et même des très riches, qu’il n’aurait pas agi autrement. Au point de recevoir le soutien de ce dirigeant d’un grand club de football qui se lamentait : « Avec une telle mesure, on ne fera jamais venir Beckham ! »

Mais ce n’est pas tout. Il y eut aussi l’article du Spiegel annonçant qu’Angela Merkel avait convaincu ses collègues de la droite européenne de boycotter François Hollande. L’hebdomadaire allemand a la réputation d’être plutôt bien informé, et par ailleurs ce petit complot paraît assez cohérent avec le soutien apporté par la chancelière à Nicolas Sarkozy. On en comprend l’enjeu : pas question pour la droite européenne de renégocier, même à la marge, le fameux traité « Merkozy » adopté le 9 décembre dernier[^2]. Celui-ci se présente comme une pérennisation des politiques néolibérales, à l’exclusion de toute autre possibilité. Il promet d’imposer aux peuples d’Europe des sanctions automatiques en cas de déficit budgétaire. Après l’article du Spiegel , la gauche allemande et même une partie de la droite se sont inquiétées. Il a fallu démentir le « petit complot », non sans qu’il eût donné la déplorable impression que M. Sarkozy était du « parti de l’étranger », comme on le disait de Louis Capet, à une certaine époque… Mais l’épisode a eu un effet paradoxal. Il a fugitivement introduit dans la campagne un thème totalement absent : l’Europe. Ou, plus précisément, absent des discours de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. Et pourquoi cet « oubli » alors que l’espace européen est celui où se décide l’essentiel ? Peut-être, précisément, parce que l’essentiel doit rester caché. Comme ce « TSCG » qui risque de conditionner nos vies pour les années à venir et dont nos concitoyens doivent tout ignorer.

C’est pour briser ce mur du silence que quelque dix mille signataires d’une pétition exigent un référendum avant la mise en œuvre par la France de ce traité. « Europe, pas sans nous ! », proclame ce texte [[Le texte de la pétition rappelle que « Plusieurs traités européens ont déjà dépossédé les citoyens de la possibilité de choisir les orientations de l’Union européenne ». Et que le déjà fameux TSCG « cherche à donner une base légale à la répression, la régression sociale et aux dénis de démocratie, durcissant les règles qui figuraient déjà dans le traité de Maastricht puis dans celui de Lisbonne, imposant de lourdes sanctions “immédiates” et “automatiques” aux pays contrevenants ».
Voir texte complet sur politis.fr et www.referendum-europe.org]]. « L’Europe, sans vous ! », semblent répondre en écho MM. Hollande et Sarkozy, dont les divergences sur le sujet semblent hélas marginales.

[^2]: TSCG (Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union).

Une analyse au cordeau, et toujours pédagogique, des grandes questions internationales et politiques qui font l’actualité.

Temps de lecture : 5 minutes