Agitation à la Fnac

Les salariés dénoncent la dégradation des conditions de travail.

Sarah Sudre  • 26 avril 2012 abonné·es

Nouveau mouvement social en France, celui des salariés de la Fnac. Ils étaient 150 devant le siège social de l’enseigne à Ivry-sur-Seine, le 17 avril, pour exprimer un « ras-le-bol général », selon Benoît Duval, délégué syndical CFTC. « Les conditions de travail des salariés se détériorent. La charge de travail augmente tandis que le salaire stagne », résume Catherine Gaigne, déléguée syndicale SUD et caissière à la Fnac Paris-Étoile. Autre raison de cette mobilisation : le rejet du plan social instauré en janvier par le PDG de la Fnac, Alexandre Bompard.

Les organisations syndicales (CGT, SUD, CNT, CFTC, FO, Unsa), reçues par la directrice des ressources humaines du groupe, Dominique Brard, revendiquent une revalorisation salariale générale. Elles ont également demandé des explications sur le plan social. « La discussion a été musclée, mais aucune négociation n’a été possible », déclare Benoît Duval. Les salariés n’ont pas apprécié ce mépris de la direction et « sont entrés dans le bureau pour crier leur douleur », précise la déléguée SUD.

« Une salariée était en larmes. Elle expliquait qu’elle subissait des pressions de sa hiérarchie, que ses fins de mois étaient difficiles. Il y avait beaucoup d’émotion. Mais ces témoignages n’ont pas atteint la sensibilité de la directrice », ­commente Benoît Duval.

Ce n’est pas la première fois que les salariés tirent le signal d’alarme. Le 29 mars, ils avaient brièvement retenu le directeur des neuf Fnac de Paris, Bruno Ferrec, dans ses locaux. L’objectif : se faire entendre « par une direction qui ne semble se préoccuper que de ses actionnaires », explique Catherine Gaigne.

Le plan social prévoit la suppression de 510 postes, dont 312 en France, pour économiser 80 millions d’euros et faire face à la baisse de consommation des clients, le chiffre d’affaires ayant reculé de 3,2 % l’an dernier. Les syndicalistes dénoncent une manœuvre destinée à satisfaire les actionnaires du groupe PPR de François Pinault, propriétaire du magasin. « Après avoir utilisé les réserves de la Fnac et attribué plus de 444 millions de dividendes en 2011 aux actionnaires, le PDG s’en prend maintenant à nous », explique Catherine Gaigne. « Il n’a qu’une vision économique de l’entreprise. Toutes les valeurs humaines disparaissent », ajoute Benoît Duval.

« Il y a cinq ans, 95 % des salariés de la Fnac étaient heureux de travailler pour cette enseigne. Passionné du livre, du high-tech ou des spectacles, chacun avait sa spécialité. C’était notre force. Aujourd’hui, la direction a cassé ce mythe. On nous demande de la polyvalence, de la polycompétence et de la polyactivité. Ce n’est pas gérable », estime Catherine Gaigne.
Pour Julie [^2], responsable au service adhésion à la Fnac-Les Halles, « il y a un mauvais traitement des clients. On les incite à prendre des assurances, des cartes d’adhérent… L’arnaque n’est jamais loin ».

« Le travail à la Fnac est devenu individualiste. Il n’y a plus de complémentarité entre les salariés alors que nous étions une coopérative auparavant », conclut Catherine Gaigne.

Tout n’est pas perdu, cependant. Benoît Duval, pense que « la Fnac a seulement besoin de reprendre son souffle. On a résisté à la concurrence de l’e-commerce, on résistera à Bompard ». Pour trouver une issue à « ce malaise général », l’intersyndicale organise une assemblée générale le 27 avril. Comme dernière force de résistance, il reste l’appel aux consommateurs pour sauver la Fnac, référence phare des produits culturels et technologiques.

Sarah Sudre

[^2]: Le prénom a été modifié.

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