« L’été de Giacomo » : Par la grâce d’un été

À la croisée de la fiction et du documentaire, premier long métrage d’Alessandro Comodin, jeune réalisateur italien, sur l’éveil d’un adolescent sourd. Solaire.

Alexis Duval  • 5 juillet 2012 abonné·es

Giacomo a 17 ans. Il est atteint de surdité. Avec une de ses amies, Stefania, il emprunte un sentier sinueux non loin du fleuve Tagliamento dans la région de Venise. Tous deux cheminent au milieu d’un bois verdoyant inondé de soleil. Leur destination : un petit lac aux couleurs et au sable dignes d’une lagune tropicale. L’endroit rêvé pour se livrer à la langueur de l’été et se sentir libre de toute contrainte. En un mot, vivre.

Le projet de l’Été de Giacomo est simple : suivre deux adolescents, observer leur comportement ainsi que l’évolution de leur relation dans l’environnement idyllique de la campagne italienne. Pas question de voyeurisme, le geste est plutôt documentaire. Il s’agit pour Alessandro Comodin de voir évoluer Giacomo, qui est le petit frère de son meilleur ami. D’où l’aisance manifeste du garçon face à l’objectif. Stefania et lui se prêtent au jeu avec une sincérité désarmante. En les suivant de très près, et souvent caméra à l’épaule, Comodin installe une forte proximité entre le spectateur et les protagonistes.

Entre Giacomo et Stefania, la complicité est évidente. Tous deux éprouvent un plaisir communicatif à se battre dans l’eau du lac comme pourraient le faire un frère et une sœur. Mais l’amitié fraternelle et platonique cède parfois la place à la séduction amoureuse. À mesure que le fil de la narration se déroule, leurs sens s’éveillent. Et avec eux ceux du spectateur. L’ambiguïté entre les deux personnages ne sera levée qu’à la fin du film, avec l’apparition d’une jeune fille. La dernière séquence sera d’ailleurs l’occasion de jolis instants de confession.

Primé aux festivals de Locarno et de Belfort, l’Été de Giacomo est un film court. Mais en soixante-dix-huit minutes, il parvient à dire beaucoup. Ici, ce n’est pas tant le verbe que le langage du corps qui est le vecteur de l’expression et qui pallie le handicap de l’adolescent. La caméra s’attarde ainsi à plusieurs reprises sur le regard franc et perçant de celui-ci. Un soir, lors d’une scène de danse entre Giacomo et Steffi, on oublie les visages pour ne garder que le mouvement des pieds. Un des premiers moments du film montre le jeune homme s’improviser virtuose de la percussion sur un set de batteries, dans une pièce presque vide.

De l’œuvre se dégage une élégante sensualité, à laquelle contribuent les tons chauds des paysages ensoleillés de la Vénétie. Ni fiction ni documentaire, l’Été de Giacomo est un objet hybride, insolite et charmant. Film solaire qui surprend par sa douceur.

Cinéma
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