Inutile d’inschister !

Michèle Rivasi  • 6 décembre 2012 abonné·es

La participation au gouvernement donne aux écologistes l’impression d’agir au sein d’un vivarium : l’environnement est clos, les limites de notre champ d’action bien trop marquées, et il faut donc garder son sang-froid pour vivre avec les couleuvres qu’on essaie de nous faire avaler. En revanche, le gaz de schiste est sûrement le seul sujet où nous avons eu des garanties suffisantes pour y placer le curseur de notre démission. Cette ligne rouge qu’Hollande a promis de ne pas franchir reste cependant mouvante au gré des prises de position intempestives d’Arnaud Montebourg et d’un lobby mensonger décidé à faire accepter les gaz de schiste sous couvert de compétitivité, en faisant fi de la mobilisation citoyenne d’ampleur ayant saisi la France depuis l’octroi en catimini, par Jean-Louis Borloo, de permis d’exploration en 2010.

Aujourd’hui, nos politiciens – PS et UMP confondus – sont en mal d’idées novatrices et d’une vision stratégique de long terme pour notre économie. C’est pourquoi ils espèrent montrer qu’on peut sauver la compétitivité de notre économie avec les gaz de schiste. On nous rabâche depuis des décennies que nous avons l’électricité la moins chère d’Europe grâce au nucléaire, or la compétitivité de notre économie ne fait pâlir personne d’envie. D’ailleurs, nous n’exportons plus notre savoir-faire nucléaire, cette prétendue filière d’avenir qui n’en a aucun en réalité, alors qu’on s’évertue à construire un EPR dont le coût de revient de l’électricité sera au moins égal à celui de l’éolien. Mais l’enjeu de la compétitivité fait rage au sein de l’économie mondiale. C’est le sésame à la sortie de crise. Est-il utile de rappeler que c’est justement au prix de cette compétition que l’on bafoue les droits sociaux acquis par de longues luttes, que la précarité du travail s’accroît et que notre environnement nous rend malade ? Tristement, oui : la mémoire de l’action politique dépasse rarement un simple mandat.

Comment ne pas s’indigner, aussi, qu’un Michel Rocard – ambassadeur des pôles – dise notre pays béni des dieux grâce aux gaz de schiste, alors que les émissions fugitives de méthane au niveau des puits en font une source d’énergie plus émettrice de gaz à effet de serre que le charbon ? Faire accepter les gaz de schiste sous couvert de compétitivité, c’est encore une fois reporter nos erreurs sur les générations futures, qui ont déjà bien assez à payer. C’est pourquoi EELV a présenté une proposition de loi à l’Assemblée nationale qui reprend la position prise par Ayrault en juillet 2011 : interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels et abroger les permis exclusifs de recherche qu’Hollande n’a pas osé abroger. Devenir compétitif, pour les écologistes, c’est découpler la croissance économique de la consommation d’énergie pour fonder notre innovation et notre production sur la maîtrise de la demande d’énergie. C’est un changement de paradigme qui nous fera sortir des énergies fossiles, réduira le déficit commercial de la France et rassurera le portefeuille de nos concitoyens sur le long terme.

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