La CGT revendique le changement

Chercheur à l’Institut de recherches économiques et sociales, Jean-Marie Pernot analyse les défis qui se posent à l’organisation syndicale, alors que s’achève son cinquantième congrès.

Thierry Brun  • 21 mars 2013 abonné·es

Le 50e congrès de la CGT, qui s’achève le 22 mars, est l’occasion pour Thierry Lepaon de succéder à Bernard Thibault et de construire de nouvelles stratégies dans un contexte de crise sociale et de changement de la représentativité des organisations syndicales.

Quels défis majeurs attendent la CGT à l’issue de son 50e congrès ?

Jean-Marie Pernot : La CGT veut maintenir sa ligne de syndicalisme rassemblé dans un contexte où ressurgissent des divergences majeures avec la CFDT. Beaucoup de choses séparent ces deux organisations. La CGT est confrontée à des enjeux internes, notamment celui de sa réorganisation, qu’elle avait entreprise lors du précédent congrès. C’est un problème politique majeur car il s’agit d’organiser le syndicat en fonction du salariat tel qu’il est aujourd’hui. Or, les fédérations et les syndicats professionnels se sont construits il y a trente ans. Le manque de changement est dramatique.

Est-ce l’objectif principal du congrès, sachant que les règles de représentativité vont changer à la fin du mois ?

Dans son introduction, le nouveau secrétaire général, Thierry Lepaon, a présenté une démarche pragmatique ; il veut que la CGT bouge. La question est de savoir si la confédération sortira renforcée du nouveau dispositif de représentativité. Est-elle capable de se poser en structure d’accueil d’un nombre plus large de salariés, par exemple les précaires ? Ce n’est pas gagné.

Les travaux du congrès ont donné une place importante à l’évolution du travail. Est-ce nouveau ?

La CGT est en train de remettre au cœur de sa démarche des thématiques autour du rapport au travail. Que le syndicat s’engage dans cette voie est historiquement nouveau : la CGT ne s’y intéressait pas beaucoup et gardait une position productiviste. Cette question a occupé une large place dans une résolution du congrès qui a fait l’objet d’une bataille interne. Le rapport au travail a pris une grande importance ces dernières années pour certaines fédérations, comme la métallurgie, parfois de manière violente avec les restructurations. La CGT envisage de créer des espaces dans lesquels les salariés s’expriment sur les pressions, le stress, la résistance à la financiarisation, etc. Le « bien travailler » redevient une revendication syndicale. La CGT a expérimenté cela chez Renault. Cette expérience montre aussi que la CGT parvient à syndiquer.

Qu’en est-il des relations avec la FSU et Solidaires ?

Dans ce congrès, la CGT est singulièrement peu ambitieuse dans ses relations avec les autres syndicats. Elle est la première organisation et devrait faire des propositions en direction de la FSU, qui cherche à sortir de l’autonomie, et de Solidaires. Pourquoi se prive-t-elle de dire qu’elle est ouverte à des militants qui, certes, ne partagent pas tout ? Le syndicalisme rassemblé ne doit pas conduire à la candeur : la logique du nouveau système de représentativité conduit à l’organisation de camps syndicaux, dont l’un autour de la CFDT, avec l’Unsa et peut-être ce qui restera de la CFTC. À la SNCF, la CFDT a absorbé les autonomes de la FGAAC [Fédération générale autonome des agents de conduite], ce qui lui a permis de sauver sa représentativité.

Le congrès a été l’occasion de débattre de la place donnée à la négociation par la CGT…

Le nouveau système de règles sollicite la CGT sur le fait de signer ou non des accords d’entreprise. Les statistiques du ministère du Travail montrent qu’elle en signe un grand nombre. Cette évolution en cours remonte à deux congrès. La CGT avait accordé dans une résolution une large place à la reconnaissance de la négociation comme partie intégrante de la pratique syndicale. Mais négocier ne veut pas forcément dire signer, ce que la CFDT a du mal à comprendre.

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