Les Bérus, même pas morts !

Groupe punk phare des années 1980, Les Bérurier Noir rééditent tous leurs albums. Nostalgie ou bain de jouvence ?

Ingrid Merckx  • 14 mars 2013 abonné·es

Les Bérus   ? Petit résumé à destination des 20 ans qui n’ont pas piqué les disques de leurs aînés, et des aînés qui les auraient loupés. « Nous sommes les enfants des crises économiques à répétition, des conflits internationaux et de l’injustice sociale. Nous avons grandi et refusé le monde tel qu’il se présentait devant nous, lui préférant les chemins de traverse. Avec l’énergie du désespoir et notre rage, nous avons bâti nos alternatives : collectifs affinitaires, réseaux militants, radios libres, fanzines politisés, performances éphémères, squats, concerts sauvages. Nous  […] avons partagé nos valeurs communes telles que la solidarité, la lutte antifasciste et l’indépendance. »

Ceci n’est pas un texte des Bérus , mais le premier paragraphe du manifeste du label Archives de la zone mondiale, qui compte trois noms au catalogue   : Arno Rudeboy, Verdun et Bérurier Noir. Ce dernier est présenté ainsi : «  Groupe de la scène punk et alternative française des années 1980, composé principalement de deux membres : Loran (ex-Guernica) à la guitare et François (ex-Bérurier) au chant. Ils sont rejoints sur plusieurs albums par Masto (ex-Lucrate Milk) et Paskal Kung-Fou au saxophone. » Après la réédition, en décembre 2012, de quatre albums studios : Macadam massacre, Concerto pour détraqués, Abracadaboum et Souvent fauché toujours marteau, le label annonce pour avril la réédition des albums live et des compilations : Viva Bertaga, la Bataille de Palikao, Enfoncez l’clown, Carnaval des agités. En pleine crise du disque, ressortir l’underground autoproduit des années 1980, avec des bonus (dessins, livrets, sons inédits…), c’est culotté. «  Une musique, non pas en arrière-plan comme une simple bande-son, mais comme un élément moteur, nécessaire au déclenchement d’un courant électrique. »

Entonner le « lalalaï » de « Vive le feu » suffit à se brancher. « Vivre libre ou mourir », « le Renard », « Ibrahim », « Manifeste », c’est plus qu’un bain de jouvence, c’est une décharge d’insoumission. Les Bérus n’ont jamais vraiment décroché. Autodissous en 1989, ils se sont reformés en 2003 et jusqu’en 2006. Depuis, ils enchaînent « transformations » et « déformations ». Leurs apparitions surprises faisant toujours un effet bœuf. Séquence nostalgie ou électrochoc salutaire   ? « Trente ans plus tard, dans une société toujours plus sécuritaire, conservatrice et libérale, le message de cette génération alternative nous semble plus que jamais d’actualité. Parce qu’il est ouvert aux autres, généreux et vise la transformation émancipatrice de l’individu, pour qu’ensuite change la société », poursuit le manifeste. Le groupe, qui tire son nom de la série San-Antonio, est issu du mouvement des squats et des concerts sauvages dans des usines, en banlieue, dans la rue. Un son brut, saturé. Des textes incisifs, provocateurs, insurrectionnels, sombres (« Lobotomie papa… ») mais aussi festifs : ambiance circus avec fanfare et faux nez. Engagés   : « Solidarité/Avec les immigrés/Pensez aux expulsés/Qui s’battent comme des damnés. »

Les Bérus ont démarré en 1978 devant trois pelés. Dix ans plus tard, ils réunissaient 6 800 personnes au Zénith. En 1986, ils faisaient un carton sur NRJ avec le titre « l’Empereur Tomato-Ketchup »   ( « Les enfants sont rois et ils font la loi ! » ). Contradictoire ? Sûrement, à lire Adrien Olivier (Olaf) dans le premier dossier de presse du groupe : « Étant un looser à part entière, je ne supporte pas qu’un de mes groupes puisse avoir un quelconque succès… » Mais ce succès, c’était aussi la mesure de leur écho. « La jeunesse emmerde le Front national… » En novembre   1989, soupçonnés dans une affaire d’attentat, ils décident de se faire hara-kiri à l’Olympia. Ils font un tabac. L’album enregistré, Viva Bertaga, est présenté comme leur « pépite ». « Le punk est la dernière aventure du monde civilisé. »

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