Associations : un plan social en silence

Un collectif s’inquiète des conséquences pour le mouvement associatif des coupes dans le budget 2014 des dotations aux collectivités, qui se traduit déjà par des suppressions d’emplois dans le secteur.

Thierry Brun  • 11 juillet 2013 abonné·es

La première réunion parisienne de préparation de la grande mobilisation associative prévue du 14 au 22 septembre, à l’initiative du Collectif des associations citoyennes (CAC), a été l’occasion de tirer la sonnette d’alarme. « On écrase les collectivités et c’est une situation explosive pour les associations », assure Bernard Massera, de l’Accueil Goutte-d’Or, centre social du XVIIIe arrondissement de Paris. Autour de la table, la vingtaine de responsables associatifs parisiens, notamment la Fédération des centres sociaux, la Maison des femmes de Paris, la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT), la Ligue des droits de l’homme, les Ateliers du Chaudron, les Petits Débrouillards et Attac ont dressé le même constat.

Pour se faire entendre, les associations parisiennes ont annoncé de nombreuses animations, des débats et un grand pique-nique dans un lieu symbolique, à la suite du succès de l’appel national, lancé en avril par le CAC : « Non à la disparition des associations ». Le texte rassemble désormais 3 400 signataires, dont près de 70 réseaux associatifs nationaux et plus de 100 associations régionales et départementales. Il prévient : « On ne peut pas assister passivement à la disparition d’un nombre sans cesse croissant d’associations, alors que celles-ci constituent l’un des piliers de notre vie démocratique, sociale, civique et culturelle. » Un afflux de soutiens à l’appel a été enregistré après l’annonce par Jean-Marc Ayrault, en mai, des 14 milliards d’euros d’économies budgétaires à réaliser en 2014. « Les associations sont directement visées par ces restrictions budgétaires », s’inquiète le CAC dans une lettre ouverte adressée le 8 juillet au Premier ministre et à Valérie Fourneyron, ministre de la Vie associative. Les nouvelles mesures risquent « de peser sur les subventions aux associations », réagit l’Association des maires de France, qui s’alarme de « l’effet de ciseau » provoqué par la conjugaison d’une réduction des dotations et d’une hausse des charges des collectivités. « Le plan de réduction des dotations de l’État versées aux collectivités prévoit une baisse supplémentaire de 1,5 milliard en   2014 et de   1,5 en   2015. Et les associations refusent d’être la variable d’ajustement des diminutions des financements publics », ajoute Didier Minot, un des animateurs du CAC, fondateur du Réseau des écoles de citoyens (Récit). « La baisse massive des subventions dans les dernières années et son corollaire, la généralisation des commandes publiques, ont des conséquences importantes sur l’avenir des associations et sur les fonctions qu’elles remplissent », résume Viviane Tchernonog, chercheuse au CNRS, coauteure d’une étude sur les associations [^2]. Les plans d’austérité successifs ont des effets dramatiques, relève aussi Didier Minot, qui cite l’exemple du département de Seine-Maritime : « Il a été décidé de diviser par deux les subventions pour la prévention spécialisée. Ainsi, sur 140 éducateurs  [de ce secteur], 74 ont été licenciés, alors même que la prévention spécialisée est reconnue dans sa fonction de médiation sociale et de lutte contre toutes les exclusions, dans des territoires en marge de la République. »

Surtout, le CAC pointe le double langage du gouvernement : « Le Collectif mène une concertation plutôt positive avec le gouvernement, en particulier pour redéfinir le cadre des relations entre l’État, les collectivités et les associations. Il y a certes un changement de climat par rapport au gouvernement précédent. Mais cela ne peut faire oublier qu’au nom des plans de rigueur,  [le gouvernement] crée toutes les conditions d’une rupture grave dans le financement des associations qui ont des salariés », explique Didier Minot. « Il s’agit en réalité d’un véritable “plan social” plus important que ceux qui touchent l’industrie et les services concentrés. Des centaines, voire des milliers d’emplois vont ainsi être supprimés, sans aucune compensation, dans le silence le plus total », souligne la lettre ouverte du Collectif des associations citoyennes. Si rien ne change, celui-ci a l’intention de poursuivre ses initiatives dans la perspective des élections municipales et européennes de   2014.

[^2]: Les associations entre crise et mutations. État des difficultés, Viviane Tchernonog et Jean-Pierre Vercamer, éd. Deloitte, octobre 2012.

Économie
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