Dix ans de révoltes dans le monde

Florent Sourisseau  • 4 juillet 2013 abonné·es

Illustration - Dix ans de révoltes dans le monde

Tunisie, Égypte, Libye

Le 17 décembre 2010, l’immolation d’un jeune vendeur ambulant, Mohammed Bouazizi, à Sidi Bouzid, marque le début de la révolution tunisienne. Moins d’un mois plus tard, le 14 janvier 2011, le président Ben Ali est contraint de céder le pouvoir. Le 23 octobre, le premier scrutin pluraliste de l’histoire du pays est organisé. Un gouvernement de coalition dominé par les islamistes d’Ennahdha est formé. La chute de l’autocrate tunisien a un effet immédiat de contagion en Égypte. Au Caire, la place Tahrir devient le lieu emblématique du soulèvement. Le 11 février, le président Moubarak, en place depuis trente ans, est à son tour contraint de démissionner. Le 30 juin 2012, c’est un islamiste, membre des Frères musulmans, Mohamed Morsi qui remporte l’élection présidentielle. En février 2011, c’est au tour de la Libye de se soulever. Le 19 mars, la France et la Grande-Bretagne interviennent pour empêcher la reprise de Benghazi, point de départ de la révolte, par les troupes de Kadhafi. L’Otan prend finalement le relais. Le 20 octobre, Mouammar Kadhafi est tué par les rebelles. Malgré les impacts majeurs de ces révolutions sur les sociétés, la mise en place de nouvelles constitutions en Tunisie et en Libye se fait attendre, alors que celle adoptée par les Égyptiens en décembre 2012 est très controversée.

Syrie

La révolte syrienne a rapidement emprunté une voie différente de celle des pays nord-africains. Face à la répression qui frappe la population dès le début, en mars 2011, l’insurrection se militarise. La détermination de Bachar al-Assad à conserver le pouvoir et la division des puissances internationales sur le cas syrien écartent la possibilité d’une sortie de crise. Peu à peu, le conflit s’internationalise et se confessionnalise. En plus de deux ans de guerre civile, on compte 93 000 victimes selon l’ONU, et le HCR dénombre 1,6 million de réfugiés.

Yémen, Bahreïn, Koweït

La vague de contestation n’a pas épargné la péninsule arabique à l’hiver 2011. On compte plusieurs milliers de manifestants au Yémen, à Bahreïn et au Koweït, sur fond de tensions religieuses et d’un fort taux de chômage. S’opposant à une classe politique corrompue et réclamant la reconnaissance de libertés individuelles, ces mobilisations ont suscité l’inquiétude de l’Arabie voisine. Le pouvoir saoudien se méfie de la contagion et d’un rapprochement de ces pays avec l’Iran chiite. Les troupes du Conseil de coopération du golfe (CDG) interviennent dès mars 2011 à Bahreïn. Au Yémen, après la déclaration de l’état d’urgence en début d’année, le président Saleh négocie son départ. Le régime est cependant maintenu et, malgré l’annonce d’élections en 2014, les tensions persistent.

Canada, Chili

Le « printemps érable » débute au Québec en février 2012. Le 22 mars, 250 000 personnes défilent contre l’augmentation des frais d’inscription à l’université. La loi du 18 mai restreignant la liberté de manifester crée une nouvelle polémique. Le gouvernement libéral est défait aux élections générales de septembre 2012, et sa réforme universitaire abandonnée. Au Chili, le mouvement étudiant exige une amélioration du système de l’enseignement supérieur. Le 13 juin 2012, ils sont des dizaines de milliers à exprimer leur mécontentement. L’ancienne présidente socialiste Michelle Bachelet promet la gratuité de l’enseignement en cas d’élection en novembre prochain. En juin 2013, c’est au tour de la classe moyenne brésilienne de se mobiliser (voir p. 20).

Grèce et Turquie

Le 28 mai dernier, plusieurs milliers de manifestants s’opposant à la destruction du parc Gezi se regroupent place Taksim, à Istanbul. Le Premier ministre islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan accepte de différer la réalisation du projet, mais ne parvient pas à juguler un mouvement qui pose en réalité la question de la nature du régime. En juin 2013, les Grecs se mobilisent contre la fermeture brutale de l’audiovisuel public (ERT), décidée par le gouvernement Samarás, qui cède ainsi aux exigences de la troïka (UE, FMI, BCE).

Espagne, Portugal

Le 12 mars 2011, le mouvement Geração à rasca (Génération précaire) réunit plusieurs centaines de milliers de jeunes Portugais contre les mesures d’austérité. Réaction à la crise des dettes souveraines et à la montée du chômage, il est suivi le 15 mai par le mouvement pacifique des Indignés, qui naît à Madrid. Les Espagnols, en pleine récession économique, s’attaquent à la légitimité du gouvernement représentatif, privilégiant une conception participative de la démocratie. Ce mouvement s’est exporté dans de nombreux pays, et notamment en Grèce. Le 15 octobre 2011 est décrété journée mondiale des Indignés.

Israël

Le gouvernement israélien est contesté à l’été 2011. Le 6 août et le 3 septembre sont marqués par des manifestations historiques, auxquelles ont participé plusieurs centaines de milliers de personnes qui se sont mobilisées pour dénoncer la cherté de la vie et exiger la mise en place d’une « justice sociale ». Influencés par les Indignados et les révolutions arabes, les protestataires ont rapidement assimilé le boulevard Rothschild de Tel-Aviv à la place Tahrir du Caire. Mais en prenant soin de ne pas faire le lien avec la question palestinienne.

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