Marie-Noëlle Lienemann : « Éviter la crispation des deux gauches »

Marie-Noëlle Lienemann revient sur la stratégie du mouvement Maintenant la gauche.

Pauline Graulle  • 17 octobre 2013 abonné·es

La sénatrice de Paris défend la possibilité d’un changement de la politique gouvernementale avec une forte pression d’une alliance rose-rouge-vert à l’Assemblée.

Vous partagez, sur le fond, les idées du Front de gauche, mais vous avez décidé de rester au PS. Quelle est votre stratégie pour peser ?

Marie-Noëlle Lienemann : Notre discours, qui est celui de la Gauche socialiste [courant fondé en 1988 par Jean-Luc Mélenchon et Julien Dray, NDLR], n’a rien de nouveau. Aujourd’hui, la plupart des militants socialistes pensent comme nous. Le parti n’est certainement pas préempté par le hollandisme – je rappelle que François Hollande n’a rassemblé que 55 % des voix à la primaire, et qu’il n’aurait peut-être pas été investi si Montebourg ne l’avait pas soutenu. Nous ne sortirons donc pas du PS. D’abord parce que nous sommes socialistes, mais aussi parce qu’être à l’extérieur ne permet pas d’être écouté davantage, comme on le voit avec le Front de gauche. Pour l’heure, Jean-Luc Mélenchon campe sur une stratégie de tension entre les deux gauches, mais, si on peut comprendre qu’elle ait lieu de temps en temps, nous pensons qu’il faut éviter cette crispation. La division amène François Hollande à utiliser à plein les institutions de la Ve République pour continuer, à marche forcée, sa politique de centre gauche. C’est suicidaire, car des gens se disent : « Cette gauche est dans l’impuissance générale, je vais chercher une réponse au Front national. » Notre thèse est donc que seule la gauche réunie obligera François Hollande à changer le centre de gravité de sa politique.

Comment comptez-vous vous y prendre ?

Afin d’amorcer un tournant rapide de la politique du gouvernement, nous plaidons pour que le PS propose à ses alliés rouge-rose-vert un pacte législatif autour de cinq ou six grandes réformes urgentes : la réforme fiscale, les garanties pour le monde du travail, un plan de relance industrielle, la transition énergétique… Le nouveau gouvernement aurait pour mandat de réussir ces réformes avec une alliance rouge-rose-vert à l’Assemblée. L’idée, c’est qu’au mois de janvier le premier secrétaire du PS porte ce pacte pour pousser Hollande à ouvrir un deuxième acte. Et si ce n’est pas le premier secrétaire qui s’en charge, nous le ferons…

C’est en effet à l’opposé du PS actuel, qui est inféodé à l’exécutif.

Mais ce n’est pas à l’opposé des textes du PS, ni de la base militante ! Soit on attend la fin du quinquennat en se disant qu’on ne peut rien faire, soit on se dit qu’il y a des rapports de force à construire. Contrairement à ce que pense le gouvernement, la croissance mondiale ne va pas revenir comme par magie sauver la France. Il faut donc que l’on pousse le président de la République, qui, dans la Ve République, ne peut pas être mis en minorité, à donner son avis sur la stratégie que l’on propose. Il faut jouer de la conscience politique de François Hollande, qui n’est pas insensible au rapport de force politique.

Le plus difficile ne va-t-il pas être de convaincre la droite du PS ?

Oui, mais aussi la gauche de la gauche, car il y a des gens qui estiment que leur existence est liée au fait même qu’ils contestent ! Mais nous y travaillons au sein du club Gauche avenir, qui rassemble des parlementaires (et pas uniquement de l’aile gauche), mais aussi Christian Picquet ou Emmanuelle Cosse, qui va prendre la tête d’EELV.

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