En Allemagne, une taxe pour la transition

Les contribuables acquittent une somme prélevée sur leur facture d’électricité pour développer les énergies renouvelables.

Rachel Knaebel  • 7 novembre 2013 abonné·es

En Allemagne, le développement des énergies renouvelables est directement financé par la population depuis plus d’une décennie. La loi de transition énergétique appelée « EEG » (pour Erneuerbare Energien Gesetz ), votée en 2000, a mis en place un prélèvement spécifique sur les factures d’électricité des consommateurs. Ces quelques centimes d’euros payés en plus sont destinés à financer [^2] la production d’électricité issue des éoliennes, du photovoltaïque ou de la biomasse. Le système, loin de susciter la colère des Allemands, a fait ses preuves. Aujourd’hui, un quart de l’électricité consommée dans le pays provient des énergies vertes. Le pari était pourtant risqué. Car la facture d’électricité des foyers a fortement augmenté à cause de cette taxe. Le prélèvement EEG s’élevait à seulement 0,69 centime d’euros par kWh en 2005. Mais il a décuplé au fil des années et atteindra 6,24 centimes/kWh en 2014. Résultat : les consommateurs d’Outre-Rhin paient leur électricité bien plus cher que les Français, à près de 27 centimes/kWh, contre 14,5 centimes en moyenne en France [^3]. La facture moyenne d’un foyer allemand de trois personnes a doublé entre 2000 et 2013, pour s’élever aujourd’hui à 80 euros par mois.

Alors, pourquoi les Allemands acceptent-ils ce prélèvement ? C’est qu’outre-Rhin le choix de l’arrêt du nucléaire et du développement des énergies renouvelables a été fait il y a longtemps. Et il s’inscrit dans un véritable projet de société. Le gouvernement de l’ancien chancelier Gerhard Schröder, une coalition entre sociaux-démocrates et Verts, avait décroché dès 2000 une majorité au Parlement pour voter la sortie du nucléaire. Cette décision fait aujourd’hui consensus. Elle a d’ailleurs été confirmée par Angela Merkel après Fukushima. Mais le système de financement des énergies renouvelables n’en comporte pas moins des injustices. Il repose en effet en grande partie sur les foyers. Sur les 20 milliards d’euros prélevés en 2013 sur les factures d’électricité au titre du financement de la transition énergétique, sept milliards provenaient des particuliers et 6 milliards seulement de l’industrie (le reste venant des institutions publiques, du commerce et des services, des transports et de l’agriculture) [^4]. De nombreuses entreprises grandes consommatrices d’électricité sont exemptées du prélèvement afin de ne pas pénaliser leur compétitivité. Et le volume de ces privilégiées ne cesse d’augmenter : elles étaient moins de 800 en 2010, plus de 2 000 en 2013 [^5].

Cette dispense accordée à l’industrie, associée à la hausse des factures des foyers, pousse depuis plusieurs années les responsables politiques de tous partis à appeler à une réforme du système. Leurs propositions diffèrent néanmoins : les Verts veulent réduire les exonérations des entreprises, la droite ralentir les nouvelles installations d’énergies vertes. Le thème est aussi un enjeu des négociations en cours entre le parti conservateur de Merkel (CDU) et les sociaux-démocrates (SPD) pour former un gouvernement de « grande coalition ».

[^2]: Grâce à des tarifs d’achat avantageux.

[^3]: Sources : Eurostat et Bundesverband der Energie und Wasserwirtschaft (Union fédérale de l’énergie et de la gestion des eaux).

[^4]: Source : Bundesverband der Energie und Wasserwirtschaft.

[^5]: Source : Bundesamt für Wirtschaft und Ausfuhrkontrolle (Office fédéral pour l’économie et le contrôle des exportations).

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