Jazz : Contrebasse en équilibre

Stéphane Kerecki rend hommage au cinéma de la Nouvelle Vague.

Lorraine Soliman  • 10 juillet 2014 abonné·es

Les corrélations entre le jazz et la Nouvelle Vague ne sont plus à démontrer. Démarche libertaire, iconoclasme, goût de l’expérience formelle, sens de l’inutile et de l’improvisation, clairvoyance politique et sociale, réactivité, subjectivité assumée (voire cultivée)… Autant de points communs pour ces deux courants artistiques majeurs du XXe siècle. Malgré l’évidence du sujet, le contrebassiste Stéphane Kerecki est l’un des rares musiciens de jazz à s’y être attaqué. Avec ce nouvel album, sixième à son actif, à la tête d’un quartet monté pour l’occasion avec des musiciens éminemment complices du projet, Stéphane Kerecki parvient au juste équilibre entre unité formelle et densité émotionnelle. Le pianiste britannique John Taylor, avec qui Kerecki travaille par ailleurs en duo, donne une cohérence magnifique à l’ensemble par son jeu impressionniste et ses impulsions oniriques.

La contrebasse est un véritable pivot d’élégance autour duquel les autres instruments gravitent avec une grande liberté de ton, tout en restant très proches du texte. Le jeune saxophoniste Émile Parisien évolue comme un fil conducteur hyper sensible. C’est ainsi que l’on passe en toute subjectivité de la chanson de « Ferdinand », de Pierrot le fou, au générique des Quatre Cents Coups, du jazz modal d’ Ascenseur pour l’échafaud au « Charlie et Léna » de Tirez sur le pianiste, sans oublier « la Chanson de Maxence » ( Les Demoiselles de Rochefort ) revisitée avec un tact inouï par la chanteuse Jeanne Added. Mais quels points communs entre Miles Davis et Georges Delerue ? Ou entre Jean Constantin et Michel Legrand ? Aucun, bien entendu, si ce n’est le ressenti jazzistique de Stéphane Kerecki et ses superbes acolytes.

Musique
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