Comptines graves

Mirel Wagner signe un deuxième album de chansons d’une touchante simplicité.

Jacques Vincent  • 22 janvier 2015 abonné·es

Après l’album de Lee Bains et de sa bande d’artificiers dont nous parlions récemment, voici une autre production du fameux label SubPop, celui de Nirvana et du grunge en général dans les années 1990, qui montre à quel point il mérite que l’on continue à le suivre de près. À quel point aussi il a su se diversifier. Car on peut difficilement trouver plus éloignés que les disques de Lee Bains et ceux de Mirel Wagner. Autant l’un est une explosion d’énergie, autant l’autre est minimal et intimiste.

Mirel Wagner est une jeune chanteuse d’origine éthiopienne qui a grandi en Finlande après avoir été adoptée à l’âge d’un an et demi. When The Cellar Children See the Light of Day est son deuxième album. Dix titres qu’elle interprète le plus souvent accompagnée d’une guitare acoustique. Seuls deux échappent à cette règle sans se démarquer fondamentalement de l’ensemble, tant sont ténus les traits ajoutés de violoncelle, d’harmonium ou de piano. Cette simplicité se retrouve dans les compositions. Dès la première, minimale jusque dans son titre, « 1, 2, 3, 4 ». Chantée d’une voix de petite fille, elle ressemblerait presque à une comptine si ce n’était la sécheresse et la gravité des accords que Mirel Wagner arrache de sa guitare, ressemblant à des lambeaux de peau, avec une lenteur dont on ne sait si elle tient de la nonchalance ou de la résignation.

C’est comme un jeu de marelle qui ne se terminerait pas forcément au ciel. On entrevoit déjà une douleur latente qui traverse nombre de ces chansons, dont l’enfance est un des thèmes récurrents, à travers des évocations aux confins du souvenir et du rêve, à l’irréalité soulignée par une interprétation créant un envoûtement persistant chez l’auditeur. Titre d’une chanson de son premier album, le mot « rêve » revient régulièrement. Il n’est pas toujours synonyme de douceur. L’une des grandes forces de Mirel Wagner est sa capacité à créer une atmosphère à partir de sa voix si touchante et expressive et de quelques notes de guitare, en variant les modes : accords qui sonnent comme le glas, courtes lignes d’arpèges répétées en boucle, notes délicatement cueillies comme des fruits fragiles. Leur point commun est une incommensurable beauté.

Musique
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