Eva Joly la verte, Manuela Carmena la rouge

La candidate à la présidentielle et la nouvelle maire de Madrid se ressemblent en tous points, sauf sur les résultats électoraux.

Patrick Piro  • 17 juin 2015 abonné·es
Eva Joly la verte, Manuela Carmena la rouge
© Photo : Blazquez Dominguez / Getty Images / AFP

Magistrates, 71 ans, trajectoires professionnelles et éthiques irréprochables, se sont distinguées dans la lutte contre la corruption, vocations politiques très tardives, dures à cuire, cheveux clairs, lunettes : c’est un étonnant parallélisme des profils que présentent les CV de Manuela Carmena et d’Eva Joly. La première vient d’être élue maire de Madrid. La seconde, députée européenne Europe Écologie-Les Verts (EELV), fut candidate malheureuse à la présidentielle de 2012.

Comme Carmena, Joly fait une irruption très remarquée dans les urnes. Recrutée en 2008 par Dany Cohn-Bendit, cette novice est hissée en deuxième place sur la liste francilienne des européennes de 2009 pour être tractée par son mentor. Mais c’est elle surtout qui remplit les salles, lesquelles plébiscitent celle qui a osé affronter des potentats économiques comme Total, et dont la harangue apporte un souffle nouveau. Sa prestation contribuera en grande partie à l’élection surprise de deux autres débutants sur la liste – Pascal Canfin et Karima Delli. Comme Eva Joly en 2009, l’étoile Carmena a pleinement tiré parti de l’effet de nouveauté de sa trajectoire politique, l’ampleur de la gratification électorale en plus : sa liste a obtenu 31,8 % des voix à Madrid, dont elle a été élue maire par 29 conseillers municipaux sur 57. La capitale espagnole est la première en Europe à tomber dans l’escarcelle de la « gauche de gauche ». Mais la suite pour Eva Joly fut amère : 2,3 % à la présidentielle de 2012. Dans le laminoir du scrutin phare de la Ve République, les atouts de 2009 alimentent un « Joly bashing » : son accent norvégien devient un obstacle aux élans de tribune, son faible charisme a perdu les atours de la fraîcheur, son expérience devient le poids de l’âge. Et puis sa victoire, désignation surprise, sur Nicolas Hulot à la primaire écologiste est mal digérée par une partie des cadres du parti : l’ex-vedette de la société civile est devenue la proie des jeux internes.

Carmena, portée par l’actuelle dynamique espagnole, est-elle promise à un meilleur destin ? Sur le plan de l’image, si décisif, elle a surpassé Joly. Très à l’aise à l’oral et dans la rue, elle a été propulsée icône madrilène, au propre comme au figuré. Là où les communicants d’Eva n’étaient parvenus qu’à imposer ses lunettes vertes, des dizaines de graphistes se sont emparés du visage et des attitudes de Manuela pour la mettre en scène, sur les murs et les écrans, dans une imagerie hautement valorisante. Et puis, sur le fond, l’électorat français n’a pas adhéré aux thèmes portés par l’écolo anti-corruption, dans un scrutin obnubilé par la perspective d’une chute de Sarkozy. Un casting trop intellectuel, quand le profil de Manuela Carmena a fait merveille, opposée à une candidate de la droite dure lestée par les affaires.

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