Pouria Amirshahi : Construire ensemble le mouvement commun

TRIBUNE. Ce qui anime cette démarche, c’est de partir nous-mêmes à la recherche des réponses souhaitables aux bouleversements actuels.

Pouria Amirshahi  • 17 juin 2015
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Pouria Amirshahi : Construire ensemble le mouvement commun
© **Pouria Amirshahi** Député PS des Français de l’étranger pour la circonscription de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Photo : Michel Soudais

Nous avons la chance de vivre en France, riche de son métissage, dans un système républicain dont la loi fondamentale, progressiste et généreuse, proclame un des plus beaux triptyques humanistes universels. Ses principes de solidarité et de redistribution sont le fruit d’une longue histoire politique et sociale, propulsée par la Révolution française et approfondie par les Républiques qui lui ont succédé, et particulièrement la Constitution de 1946 dans son préambule. Pour beaucoup une référence et un idéal. C’est pourtant dans notre pays éminemment « politique » que le débat public formel s’enferme chaque jour dans une parole technocratique. Faite de chiffres abscons, voire mensongers, ou de mots tellement galvaudés que plus personne n’y croit. L’humanisme qui doit fonder notre conscience s’étiole, des discours de haine et de stigmatisation progressent et trop de responsables politiques s’installent, pour les incarner plus ou moins, dans une tentation autoritaire. Nos protestations, souvent éparpillées ou marquées a priori d’une étiquette de « déjà-vu » ou de « plus à gauche » – réductrice à plus d’un titre – ne se projettent pas encore dans l’après car elles s’inscrivent dans une confrontation permanente, légitime et utile… mais finalement épuisante.

Passons dans les prochains temps à la case d’après. C’est possible car un foisonnement d’initiatives locales et nationales – comme en bien des points du globe – vient démentir par les faits les discours pessimistes selon lesquels l’engagement concret, finalement, n’intéresserait plus personne. Dans l’économie sociale et solidaire, la culture, l’agriculture, la citoyenneté urbaine, les solidarités rurales, les sciences et les médecines, le sport et l’éducation, des citoyens contribuent à améliorer la qualité de la vie et le respect entre les personnes, ainsi que la relation entre producteurs ou consommateurs. Le développement de l’économie circulaire et des circuits courts en est un exemple, pragmatique et enthousiasmant. De ces forces, créatives et collectives, peut monter la sève de notre renouveau. Réenchanter le rêve français ne signifie pas ** décréter la fin des institutions de droit ou des organisations démocratiques issues du syndicalisme ou des partis. Il convient de formuler avec tous ceux qui le veulent un nouveau projet politique pour la France d’après, respectueuse de la souveraineté citoyenne, nouant de nouvelles alliances internationales – démocratiques et culturelles –, tournant le dos au renoncement, au défaitisme, à l’impuissance, voire au cynisme de ses élites du moment. Certes, les dirigeants d’aujourd’hui peuvent invoquer, légitimement parfois, la complexité du monde pour le changer ; certes, rien ne se transforme sans conscience du temps. Mais les excuses sont faibles quand il n’y a ni vision ni volonté.

C’est pourquoi j’appelle une nouvelle fois, pour que l’idée infuse et se transmette, à la création d’un mouvement de type nouveau, qui soit un espace d’engagement et de rencontres, un laboratoire vivant, favorisant l’émergence d’un nouveau projet politique positif et crédible. Ce fédéralisme coopératif sera porteur. Il ne s’agit pas de se limiter et de renoncer, mais bien plutôt de s’enrichir et de s’élargir. Nous n’avons pas de temps à gaspiller dans des querelles intestines ; ce temps est trop précieux vu les enjeux de paix ou de guerre, de progrès ou de violences, de survie ou de menaces écologiques. J’ai conscience de ce que peut avoir d’insatisfaisant pour les gens légitimement impatients le caractère délibérément heuristique de cette démarche. Pour paraphraser Montaigne, nous nous faisons en faisant, et c’est ensemble que nous inventerons. Lançons-nous délibérément dans une perspective de long terme : notre regard porte plus loin que les prochaines échéances électorales.

Au fond, ce qui anime cette démarche, c’est de ne plus attendre de ceux qui nous dirigent une prise de conscience des injustices du monde ni une détermination à les faire disparaître ; c’est de partir nous-mêmes à la recherche des réponses souhaitables aux bouleversements provoqués par la financiarisation de l’économie, la confiscation des pouvoirs, la lente condamnation de la biodiversité, et l’insupportable accroissement des inégalités. Gandhi nous a laissé cette invite : « Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde. » À toutes les femmes et les hommes de volonté, je propose de s’en saisir.

Publié dans
Tribunes

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