William Martinet : « La modernité, c’est la solidarité ! »

Président de l’Unef, William Martinet veut emmener les étudiants dans la bataille contre le projet de loi sur le travail.

Vanina Delmas  • 2 mars 2016 abonné·es
William Martinet : « La modernité, c’est la solidarité ! »
© **William Martinet** Président de l’Unef. Photo : DR

Le projet de loi de réforme du code du travail a déclenché une vague de protestations, notamment sur les réseaux sociaux. Pour William Martinet, président de l’Union nationale des étudiants de France (Unef), le ras-le-bol de la précarité est le catalyseur d’une future mobilisation des jeunes.

L’Unef conteste-t-elle absolument tous les points du projet de loi sur le travail ?

William Martinet Notre position est claire : nous demandons le retrait du projet de loi. Il est difficile d’y trouver une seule mesure qui améliorera l’accès à l’emploi ou les conditions de travail des jeunes. Ce projet de loi détricote encore un peu plus le code du travail, et ses 52 articles peuvent se résumer en trois points : travailler plus, gagner moins d’argent, se faire virer plus facilement.

Deux aspects nous préoccupent particulièrement. D’abord, l’augmentation du temps de travail des apprentis. On sait à quel point il est difficile pour eux de réussir à lier activité professionnelle et formation. Cela risque de provoquer plus d’échecs et de dégrader leur situation sociale. Ensuite, le plafonnement des indemnités prud’homales. Il touchera en premier lieu les jeunes, puisqu’il se fera en fonction de l’ancienneté : les jeunes d’une entreprise auront donc les plafonds les plus bas.

Évidemment, l’accès aux CDI reste une revendication prioritaire. À ceux qui nous expliquent que le marché du travail a changé, qu’il faut prendre l’habitude d’être précaire, de changer d’emploi régulièrement, j’ai envie de demander s’ils se sont déjà retrouvés devant leur banquier pour contracter un emprunt ou face à un propriétaire pour louer un appartement. Aujourd’hui, avoir un CDI est indispensable pour tout cela.

En 2006, la mobilisation étudiante contre le CPE avait été massive. Avez-vous le sentiment que l’histoire se répète ?

Quand le projet de loi est sorti, nous avons vraiment eu l’impression de revenir dix ans en arrière, au moment où le gouvernement de Dominique de Villepin proposait son contrat première embauche (CPE). Ce sont les mêmes recettes libérales et le même message : accepter la précarité. Apparemment, Manuel Valls a une vision de la modernité qui consiste à revenir en arrière en termes de droits sociaux. De notre côté, nous avons la conviction que la modernité doit passer par la solidarité, l’accès à l’autonomie. Le vrai débat de fond repose sur la précarisation des jeunes, mais aussi sur la division de la société et l’avenir de notre génération.

Au-delà de cette première réaction, c’est la détermination qui prime. Pour faire reculer le gouvernement, nous avons besoin d’un rapport de force social. Mais une mobilisation ne se décrète pas, elle se construit. Nous avons mis rapidement en ligne un contre–argumentaire et nous commençons, sur le terrain, à distribuer des tracts, à faire signer la pétition et à organiser les premières assemblées générales.

Il n’y a pas eu de véritable mobilisation étudiante depuis longtemps, alors qu’en toute objectivité les raisons s’accumulent depuis quelques années. Je pense que le seuil de tolérance des jeunes à la précarité est dépassé. On la subit déjà pendant les études, lors de l’insertion professionnelle, et maintenant ce gouvernement nous propose de l’endurer tout le reste de notre vie.

Avec la déferlante de réactions sur les réseaux sociaux, pensez-vous que nous sommes entrés dans une nouvelle forme de manifestation ?

Pour le moment, la mobilisation se passe beaucoup sur les réseaux sociaux, en effet, mais j’espère qu’elle se traduira par un mouvement social. C’est la première fois qu’une pétition en ligne, en réaction à un projet de loi, recueille autant de signatures. Je pense que l’enjeu fondamental des prochaines semaines est de faire le lien entre cette mobilisation numérique, que s’approprient beaucoup de jeunes, et la mobilisation sociale, qui doit se passer dans la rue. Il y a un travail de pédagogie à faire auprès de tous ceux qui ont signé la pétition ou qui ont dit qu’ils participeraient aux événements de grève générale sur Facebook. Il faut leur dire que ces premières formes d’action étaient essentielles mais qu’elles ne suffiront pas, qu’on doit passer un cap. L’Unef et l’Union nationale des lycéens (UNL) étaient les deux seuls syndicats de jeunes conviés la semaine dernière à l’intersyndicale. Je pense que c’est à nous de faire le pont entre ces deux mondes.

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