L’Express, un magazine racé

Il y a quinze jours, l’hebdomadaire a publié un article extravagant sur le conseiller Afrique de Manuel Valls.

Christophe Kantcheff  • 28 septembre 2016
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L’Express, un magazine racé
© Photo : L'Express

Il flotte un air malsain sur notre beau pays. Un aigre relent putride que d’aucuns, ici ou là, respirent à pleins poumons, sinon avec délectation. Prenons, par exemple, cette auguste publication qu’est L’Express, à l’histoire plus que respectable puisque née sous l’égide de Pierre Mendès France. Il y a quinze jours, l’hebdomadaire a d’abord publié un article extravagant sur le conseiller Afrique de Manuel Valls.

Ça commence fort : « Exotique pour le profane, son nom – Ibrahima Diawadoh N’Jim – contribue à préserver le mystère qui lui sied tant. » Suis-je bien en train de lire le news magazine fondé par Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber, ou une resucée de Tintin au Congo ? L’auteur de ce portrait haut en couleur, Vincent Hugeux, qui tient un blog intitulé « L’Afrique en face » (mais peut-être pas de trop près…), déploie un style imagé aux antipodes de l’écriture blanche : « Le marabout de Matignon », « le griot secret »… Manque « l’obscur Banania du Premier ministre ».

Nous est décrit un « grand Black », qui, dans « l’ombre » – qu’il préfère à « la lumière » – influence le chef du gouvernement, oriente ses fréquentations africaines et lui murmure à l’oreille ses connaissances sur l’islam. Manuel Valls, on s’en doutait un peu, est gouroutisé. L’Express dit tout sur le grand sorcier qui a prise sur lui. Et comme si cela ne suffisait pas dans le registre des représentations du Blanc dominant, l’hebdomadaire publie un hors-série dont la couverture fait d’abord croire à un fake. On y voit, en sépia, une femme et deux hommes vêtus façon colons des années 1930, comme dans Pépé le Moko, se protégeant du soleil avec ombrelle et salacots, le sourire aux lèvres de ceux pour qui la vie est douce. Le titre : « Les colonies, une histoire française » est tout aussi évocateur que les trois « entrées » qui l’accompagnent : « Quand la République rayonnait dans le monde » ; « Algérie, Indochine, sanglante décolonisation » ; « Afrique, les illusions perdues ».

« Sachons reconnaître ce que la France a pu apporter », expose sans complexe l’éditorial, qui s’achève sur cette phrase pleine de bon sens : « Ne troquons pas l’art de l’esquive pour celui de l’autoflagellation. » Vérification faite, ce numéro, au prix coûteux de 14,90 euros, n’est pas un faux mais l’expression d’une vraie nostalgie du temps où la hiérarchie des races était respectée.

Culture
Temps de lecture : 2 minutes
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