Le PCF entre (enfin) en campagne

Les militants communistes ont voté, à une courte majorité, pour un soutien à la candidature de Jean-Luc Mélenchon. Mais rien n’est encore clair sur la nature et les modalités de ce soutien.

Pauline Graulle  • 30 novembre 2016 abonné·es
Le PCF entre (enfin) en campagne
© Photo : JEFF PACHOUD/AFP

Fini les tergiversations. Après des mois de suspense, les communistes se sont enfin décidés à partir en campagne. C’est Jean-Luc Mélenchon qui aura leur soutien à la présidentielle de 2017. Samedi dernier, à l’issue d’un vote ayant mobilisé quelque 41 000 adhérents, 53,7 % des militants PCF se sont prononcés pour « l’option 1 » en faveur d’une « campagne communiste autonome » appelant à voter Jean-Luc Mélenchon. L’autre option, d’une candidature communiste – vraisemblablement celle du député André Chassaigne, qui avait déjà préparé son propre logo de campagne –, n’a rassemblé qu’un peu plus de 46 % des suffrages.

Interrogé sur France 2 dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon a semblé accueillir la bonne nouvelle avec un certain détachement. Il a fallu attendre lundi pour qu’il « remercie » par un message Facebook les adhérents du PCF. -Pourtant, c’est un grand « ouf » de soulagement qui a dû être poussé dans les états-majors de France insoumise et du PCF. Pour Jean-Luc Mélenchon, un rejet de sa candidature par les communistes aurait été un désaveu cuisant, cinq ans après l’aventure de 2012. Leur soutien lui permet aujourd’hui de légitimer sa stratégie de contournement de la primaire à gauche, mais aussi l’assurance d’avoir ses 500 parrainages – et donc de pouvoir contracter des emprunts pour financer sa campagne.

Le choix de l’option 2 par les militants communistes aurait été tout aussi désastreux pour le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent. Bien qu’en mauvais termes avec son ancien compagnon de route du Front de gauche, ce rallié de la dernière heure à l’option 1 avait été encore affaibli par le vote des cadres du parti, le 5 novembre : contre toute attente, et comme une provocation contre lui, les délégués avaient ainsi préféré le choix d’une candidature communiste (lire Politis n° 1427).

En attendant Hollande…

Ira, ira pas ? Dans l’attente de la décision du président de la République, les socialistes s’agitent. Beaucoup. Samedi, Claude Bartolone a lancé un gros pavé dans la mare en souhaitant que François Hollande et Manuel Valls participent à la primaire du PS, les 22 et 29 janvier, court-circuitant au passage la réunion organisée par Martine Aubry destinée à ressusciter la gauche « rouge-rose-verte ». La maire de Lille voulait raviver l’espoir d’un rassemblement, le président de l’Assemblée nationale, lui, met à nu une crise de l’exécutif. Dimanche, dans un entretien au JDD, le Premier ministre semble lui donner raison, accentuant encore la pression sur le chef de l’État en n’excluant pas d’être candidat face au Président dans cette primaire. Il déclare vouloir « casser cette mécanique qui conduirait [le PS] à la défaite », sous-entendant fortement que M. Hollande n’en serait plus capable. Cette sortie a suscité les réactions courroucées des grognards hollandiens, pour finir par un déjeuner entre les deux têtes de l’exécutif, à l’issue duquel M. Valls a semblé rentrer dans le rang. Mais son offensive visait moins à se poser en candidat contre le Président qu’à faire comprendre que, s’il devait le remplacer, il ne serait pas un candidat par défaut.

Michel Soudais

Samedi, les militants ont donc tranché. À la grande satisfaction de l’ancienne patronne du parti, Marie-George Buffet, depuis toujours ardente défenseuse de la ligne pro-Mélenchon : « C’est une clé qui peut ouvrir la porte de l’espoir et de la construction d’une alternative aux politiques libérales à l’œuvre et à venir. […] Le choix de Jean-Luc Mélenchon à l’élection présidentielle peut déjouer tous les scénarios préétablis », s’est-elle enthousiasmée. « Ce vote, c’était la seule bonne solution pour nous. Jean-Luc Mélenchon, c’est aujourd’hui la voix anti-austéritaire qui porte dans le concert à gauche », estime, plus mesurée, Marie-Pierre Vieu, membre du conseil national du PCF.

C’est que soutenir la candidature de Jean-Luc Mélenchon n’a rien d’une sinécure pour le parti de Pierre Laurent. Si ce dernier tentait de faire croire, ce week-end, que, malgré le résultat serré, les communistes ne sont pas « regroupés en deux camps », la pilule risque d’être difficile à avaler pour les partisans de l’option 2. « La division est réelle, le PCF va y perdre des plumes », confirme, en off, une ancienne camarade.

Dès la publication des résultats du vote, samedi soir, pro et anti-Mélenchon commençaient déjà à s’invectiver sur les réseaux sociaux, certains annonçant qu’ils refuseraient de se plier au vote du parti et ne participeraient pas à la campagne d’un Mélenchon qui, depuis des mois, ne les « respectait » pas. Réserves sur son « style », sur certaines de ses positions sur l’Europe et à l’international… Mais aussi, et surtout, sur sa stratégie solitaire et clivante interdisant tout ralliement des frondeurs socialistes et d’EELV.

Une critique qui demeure, même chez les plus « mélenchoniens » des communistes : « Nous sommes restés attachés à l’idée d’un rassemblement entre forces politiques, culturelles et sociales qui n’exclurait personne, ni les Verts ni les socialistes qui voudraient nous rejoindre, décrypte Marie-Pierre Vieu. Jean-Luc, lui, est dans une démarche bonapartiste et revendique un certain populisme. Autant il doit considérer que nous sommes trop dans le compromis, autant nous estimons que sa stratégie est trop excluante s’il cherche un rassemblement majoritaire ».

Si le réchauffement est engagé entre le PCF et France insoumise, nul ne sait encore quelle forme prendra cette « campagne autonome » du PCF. « Le pire serait que cela se limite à une simple consigne de vote, comme le PCF l’avait fait pour Chirac en 2002 ou plus généralement pour le candidat de gauche le mieux placé », redoute Frédérick Genevée, coordinateur de l’appel Front commun lancé début septembre. Celui qui plaide pour ouvrir des « espaces communs » entre France insoumise et PCF ne désespère pas que les choses avancent à petits pas : « Pour l’instant, il y a un effet miroir, mais chacun va devoir faire un pas l’un vers l’autre. Selon moi, le PCF est suffisamment fort pour s’engager pleinement sans s’y perdre, et Jean-Luc Mélenchon a lui aussi tout intérêt à compter sur le réseau des militants communistes pour asseoir sa dynamique. »

Pas encore gagné du côté du PCF, qui va devoir composer avec sa moitié de militants mélenchon-sceptiques, au premier rang desquels André Chassaigne, qui estimait la semaine dernière que le ralliement à Jean-Luc Mélenchon porterait « un coup fatal » à la maison communiste : « Nous n’aurons plus droit à la parole dans cette campagne présidentielle, on ne sera absolument porteurs de rien », expliquait-il sur la chaîne LCP, deux jours avant le vote. « Il ne faut pas que les discours “intégristes”, dans un sens ou dans l’autre, prennent le pas sur la lutte de terrain, où je suis sûre que les communistes arriveront à se rassembler », espère Marie-Pierre Vieu.

Pour Clémentine Autain, porte-parole d’Ensemble !, la plus petite formation de l’ex-Front de gauche, qui a, elle aussi, décidé de faire taire ses divergences avec le candidat pour devenir « partenaire » de Jean-Luc Mélenchon fin novembre, la balle est dans le camp de l’intéressé : « Il faut que Jean-Luc Mélenchon nous permette d’être vraiment avec lui s’il veut que nous déployions toutes les forces que nous avons. » « Jean-Luc Mélenchon doit accepter d’être le candidat d’une campagne large, et où les acteurs restent qui ils sont, ajoute Marie-Pierre Vieu. Le pire pour tout le monde serait de se rabougrir sur ses certitudes au lieu de produire un horizon. »