Emmanuel Macron, un garçon en or
Derrière l’apparence du renouveau, le candidat d’En Marche ! est le produit d’une longue tradition technocratique française. Et son succès précoce révèle une profonde crise de régime.
dans l’hebdo N° 1449 Acheter ce numéro

Emmanuel est philosophe et mélomane, « il joue très bien au football », « aime les gens » et doit tout à sa grand-mère maternelle, enseignante dans les Pyrénées. Voilà le portrait parfaitement maîtrisé qui a accompagné l’éclosion du « phénomène Macron ». Mais, derrière ce mythe, se cache un pur produit de la technocratie française, au cœur des plus hautes fonctions de l’État depuis dix ans.
Fils d’un neurologue et d’une médecin-conseil de la Sécurité sociale, élevé à Amiens chez les jésuites – au lycée de la Providence –, Emmanuel Macron rejoint Paris pour passer son bac au lycée Henri-IV et entre à l’ENA après un DEA de philo et un diplôme de Science Po. Charmeur, « brillant », insomniaque et opportuniste, il sort 5e de la prestigieuse école et choisit d’être affecté à l’inspection des finances pour « être en prise avec les décisions politico-administratives », expliquait-il en 2010 dans la Revue de Sciences Po.
L’inspection générale des finances est un corps à part, composé d’une petite élite d’énarques. Elle constitue la filière royale vers la politique, comme l’ont montré Alain Juppé, Valéry Giscard d’Estaing, Michel Rocard ou encore François Asselineau. Cette caste chargée de surveiller les finances et de conseiller les décideurs, y compris à l’étranger, jouit d’une grande autonomie et d’un accès aux informations fiscales des entreprises. « Cela fait d’eux des gens puissants, bien entourés et très informés », résume Nicolas Framont, sociologue des élites [1].
À l’ENA, Emmanuel Macron appartient à la turbulente promotion Senghor : diplômée trois ans avant l’élection de Nicolas Sarkozy, elle a osé pointer les archaïsmes de l’école. La directrice marketing d’Axa, des gérants des banques BPCE ou Rothschild, le conseiller en communication de François Hollande, Gaspard Gantzer, le directeur général adjoint de la SNCF et « une vingtaine de directeurs de cabinet, de sous-directeurs et de conseillers en sont issus », écrit Mathieu Larnaudie dans Vanity Fair. L’apparition de la « comète Macron » n’a donc rien d’impromptu. « Il est un produit du virage technocratique », observe Nicolas Framont.
La montée en puissance de ces technocrates n’est pas sans conséquences sur les politiques conduites. C’est l’idéologie gestionnaire à laquelle énarques et hauts fonctionnaires sont biberonnés qui s’impose avec eux – et, sous couvert de neutralité technique, consacre une politique néolibérale.
Emmanuel Macron a d’ailleurs longtemps méprisé le suffrage universel – « être élu est un cursus d’un ancien temps », clamait-il en septembre 2015 –
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