Tumulte sur le Vieux-Port
À Marseille, les législatives voient s’affronter la vieille garde politique et la nouvelle, dans une configuration particulièrement incertaine et une ambiance électrique.
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L’air hagard, Saïd Ahamada cuit dans son costume bleu marine sur les dalles de granit du Vieux-Port. Il suit la cohorte de curieux et de flics en civil qui conduit le ministre de l’Intérieur de café en café, et pose, regard absent, sur les photos de famille. Gérard Collomb est là pour soutenir les candidats de La République en marche (LREM). Lui a toutes ses chances dans la circonscription la plus au nord de Marseille (7e des Bouches-du-Rhône), partagée entre les quartiers populaires dont il est natif et le port de l’Estaque en voie de gentrification. Mais, ce samedi après-midi, sa voix est étouffée et il avale la fin de ses phrases : « Là, c’est… Je monte à l’Élysée pour qu’il m’explique… Parce que là… Je déciderai en fonction. »
D’origine comorienne, le malheureux essuie depuis le matin des trombes de reproches des siens, après la blague douteuse du Président sur le « kwassa-kwassa », ce bateau de pêche qui « pêche peu » mais « amène du Comorien ». Et quand le ministre de l’Intérieur, interrogé par Politis, sort d’emblée la carte « maîtrise de l’immigration des Comores sur Mayotte » et « insertion » de « l’adorable » communauté comorienne, le grand gaillard flegmatique peine à dissimuler une tempête intérieure et des montagnes de questions.
Fiefs menacésPlus d’un militant politique, à Marseille, vit ces derniers jours un tumulte comparable. Trahisons, coups bas et personnages hauts en couleur : le film des législatives à Marseille n’a rien à envier aux scénarios les plus imaginatifs. L’acte 2 de la reconfiguration politique, ouvert avec la courte campagne pour les législatives, est en tout cas bien plus électrique que la campagne présidentielle, témoigne Nafissa Ndae, Comorienne d’origine elle aussi, qui déambule avec la vingtaine de militants LREM sur le Vieux-Port. Cette fois, ce sont des fiefs qui sont menacés, et le scrutin de dimanche servira de round d’observation avant les municipales de 2020, vers lesquels tous les esprits sont déjà tournés. « Ils sont prêts à tuer pour leur steak », tranche la jeune militante, au milieu de la troupe bon chic bon genre qui transpire l’impréparation.
Mais il faudra de toute façon composer avec un profond renouveau du paysage, se réjouit Nafissa Ndae : « J’ai milité plusieurs années au Parti socialiste. Les Noirs et les Arabes sont acceptés… mais pour être avant-derniers sur la liste et tracter dans les quartiers populaires, jamais pour jouer les premiers rôles », dénonce-t-elle. Elle a d’ailleurs siégé au conseil fédéral du PS avec la nouvelle star du paysage politique marseillais, la jeune candidate de la France insoumise (FI) dans les quartiers nord, Sarah Soilihi (3e circonscription). Elle ne partage pas ses convictions politiques, mais salue sans réserves sa candidature. Parce que leurs trajectoires symétriquement opposées prouvent, selon elle, qu’un vieux monde politique est en train de disparaître.
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