Les associations sacrifiées sur l’autel de la « start-up »

Baisse des subventions, fin des contrats aidés, mise en concurrence, les associations déclarent le mercredi 18 octobre « journée morte » pour alerter sur la crise profonde qu’elles traversent.

Jean-Claude Boual  • 18 octobre 2017
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Les associations sacrifiées sur l’autel de la « start-up »
© photo : Françoise Lambert / Hans Lucas

Les associations de toutes tailles, 1 300 000 en France, ont un rôle indispensable pour la vie en commun. Elles sont dans les quartiers, dans les villes, comme à la campagne, les derniers lieux de rencontre et d’entraide, alors que les gouvernements successifs détruisent les services publics sous prétexte de compétitivité et de « lutte contre les déficits publics » en grande partie créés pour « soutenir » les banques et les multinationales à la suite de la crise dont elles sont l’origine.

Jean-Claude Boual est président du Collectif des associations citoyennes.

Les associations sont sources de richesses sur tous les plans, social, économique, culturel, démocratique. Chaque euro de subvention qui leur est alloué est un investissement avec retour immédiat en termes de « coûts évités » aussi bien pour la sécurité, l’emploi, la santé, l’environnement, l’éducation et le sport amateur, où elles sont bien plus efficaces que les prétendus « entrepreneurs sociaux », qui ont pour principal but de dégager des profits.

Depuis des années, les associations souffrent d’une politique qui les lamine peu à peu. Tout d’abord, les subventions publiques ne cessent de diminuer, alors que l’argent public est l’argent des citoyens et qu’il est normal qu’il retourne pour partie à la société civile à travers les associations. Ensuite, la mise en concurrence déloyale avec les entreprises privées par des appels d’offres ou à projets organise une concurrence entre les associations elles-mêmes. Les associations pâtissent aussi d’une bureaucratisation accrue, en dépit des « chocs de simplification », qui se traduisent en réalité par une complexification des procédures. Enfin, une campagne idéologique pousse les associations à la mendicité auprès de mécènes et de philanthropes, ou au « financement participatif », alors que ces types de recours ne représentent environ que 4 % des financements associatifs depuis des années, et ne remplaceront jamais les subventions publiques.

La suppression brutale et aveugle des contrats aidés est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de l’austérité déjà bien plein. Ces emplois étaient des bouées de sauvetage indispensables à la vie et à l’activité des associations, tellement leur situation avait été dégradée par les restrictions de crédits publics à tous les échelons territoriaux. Leur suppression entraîne la disparition brutale d’associations pourtant indispensables pour les populations concernées, avec des licenciements et des suppressions d’emplois par dizaines de milliers. Il s’agit bien d’un immense plan social de 150 000 emplois, inédit dans notre pays, diffus, dispersé, donc peu visible et peu médiatisée par des médias qui ne cherchent que le sensationnel, ce qui permet au gouvernement de le passer sous silence et de nier les conséquences de sa politique et de ses décisions. L’esprit « start up » – « je fais de l’argent le plus vite possible et je m’en vais » – n’est pas compatible avec la vie en société.

À travers les mobilisations de ces dernières semaines, notamment celle du 18 octobre, les militants associatifs et les salariés du secteur ont manifesté leur colère de voir leur situation de plus en plus précaire, leurs activités disparaître et la vie commune dans les quartiers et les territoires où ils agissent s’étioler et se détériorer encore plus. Aussi, il y a fort à parier que, dans les semaines qui viennent, se poursuive cette mobilisation pour obtenir un moratoire sur la suppression des emplois aidés et l’ouverture de véritables négociations pour un financement public pérenne des associations et des emplois de qualité, afin de sortir ce secteur de la précarité.

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Tribunes

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