Refusons l’accord commercial avec le Japon Jefta

TRIBUNE. La Commission européenne reste addict au libre-échange et à ses promesses dépassées de nouveaux points de croissance. Avec le Jefta, nouveau venu dans l’univers de ces accords de libre-échange après le TTIP et le Ceta, elle frappe un grand coup.

Collectif  • 22 octobre 2018
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Refusons l’accord commercial avec le Japon Jefta
© photo : TETSU JOKO / YOMIURI / THE YOMIURI SHIMBUN

Au beau milieu de l’été, alors que commençait l’interruption du travail parlementaire, et après des discussions tenues dans la plus grande discrétion, Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, Donald Tusk, président du Conseil européen, et Shinzo Abe, premier ministre japonais, ont signé le 17 juillet cet accord commercial entre l’Union européenne et le Japon. Un traité de libre-échange d’une ampleur inédite. Sans véritable consultation démocratique préalable et sans que les Parlements nationaux n’aient leur mot à dire, l’accord doit maintenant être ratifié par le Parlement européen dans les mois qui viennent. Climaticide, écocide et dérégulateur : la bataille contre le Jefta ne fait que commencer.

Jamais un accord de libre-échange n’avait soulevé des enjeux aussi importants. Pour le plus grand bonheur de quelques happy few, il organise le nivellement par le bas des normes sanitaires, sociales, environnementales et fiscales qui protègent aujourd’hui les européens et prévoit une réduction de plus de 90 % des droits de douanes entre l’Union européenne et le Japon. Le mot d’ordre est clair : libéraliser un peu plus tous les services existants et à venir, à l’exception d’une poignée d’entre eux, répertoriés dans une liste fermée. La mise en place de tribunaux d’arbitrage, qui avait déjà été l’objet d’une levée de boucliers lors du Ceta, risque quant à elle de revenir dans le débat puisqu’un accord d’investissement est en train de se négocier en parallèle…

Véritable fuite en avant de la Commission, c’est une bombe à retardement pour notre environnement, notre planète et les travailleurs européens. Face à l’impérieuse nécessité de respecter l’Accord de Paris pour contenir le réchauffement climatique, il est incompréhensible que ce dernier ne compte pas parmi les clauses essentielles du Jefta et que les chapitres relatifs au développement durable ne soient pas assortis de mécanismes de sanction. Le Japon fait en effet partie des dix pays qui émettent le plus de gaz à effet de serre au niveau mondial et il ne respecte pas ses engagements, pourtant faibles, pris en matière de réduction de ses émissions. S’ajoute à cela le développement des exportations de produits agricoles et alimentaires entre les deux puissances qui va à rebours des bonnes pratiques que nous appelons de nos vœux : relocaliser la production, développer les circuits courts et transformer la production pour développer un modèle agro-écologique de qualité pour les agriculteurs et les consommateurs.

Des enjeux pourtant primordiaux de protection des espèces ont également été soigneusement exclus de cet accord. En matière de pêche, seules 7 espèces sont sous quotas au Japon, contre 35 en Europe, et il est avéré que le thon rouge, espèce qui joue sa survie au niveau mondial, est soumis à une situation de surpêche sous la pression de la flotte et du marché japonais. Le même sort est réservé à la chasse à la baleine, légale au Japon, sous couvert de recherche scientifique : l’Union va-t-elle cautionner une telle pratique, largement condamnée par la communauté internationale ? C’est un recul inquiétant pour la promotion de la pêche durable.

Rien, ni la montée des populismes, ni la percée de l’extrême droite, ni la crise de légitimité qui frappe l’Union européenne ne semble entraver la boulimie de la Commission européenne en matière de libre-échange : elle accélère coûte que coûte la conclusion de ces accords au détriment des Européens et de notre planète. Ne nous y trompons pas : ces accords donnent toute satisfaction aux multinationales en révisant à la baisse et l’air de rien les standards sociaux et environnementaux ; de là à y voir un lien de cause à effet… Nous, députés européens, appelons les citoyens à se mobiliser et le Parlement européen à faire bloc pour refuser cet accord et faire de la transition écologique, juste et démocratique une priorité pour l’Union européenne.

Isabelle Thomas, Guillaume Balas et Édouard Martin (Génération-s), Maria Arena (Parti socialiste belge)

Publié dans
Tribunes

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