Johnny, au pays du peuple
Un an après sa mort, le chanteur, qui fut qualifié d’« idole nationale », reste en butte à un mépris social qui l’exclut de la culture légitime. Mais son lien avec les classes populaires demeure.
dans l’hebdo N° 1529 Acheter ce numéro

S’il avait fallu une ultime preuve du lien intense qui unissait Johnny Hallyday à son public, il n’était que de voir la foule immense, spontanément réunie à Paris lors de ses obsèques, quelques jours après l’annonce de son décès, le 5 décembre. Refusant l’hommage officiel, son entourage avait opté pour un « hommage populaire », permettant ainsi à des centaines de milliers de fans et d’amateurs d’exprimer leur chagrin et leur gratitude.
Ce moment était impressionnant, quoi qu’on pense de la débauche médiatique qui a accompagné la mort du chanteur et des messages d’admiration souvent opportunistes venant de personnages officiels. Tous ces discours, sur la voie de la panthéonisation, ont alimenté l’image de l’artiste consensuel et de l’icône nationale. Une vision qui, longtemps, eût été impensable et qui, aujourd’hui encore, un an après sa disparition, reste discutable.
Certes, au fil des années, le phénomène qu’est devenu « Johnny », traversant les décennies sans perdre de son aura, continuant à drainer une foule considérable à ses concerts et attirant des générations nouvelles, avait contraint les esprits les moins disposés à son égard, les médias les plus rétifs, autrement dit une intelligentsia sûre de son bon goût, à le prendre en considération. Il y a loin de ce jour d’octobre 1960 où un animateur d’Europe 1 cassa le 45-tours qui venait d’être diffusé (il s’agissait d’« Itsy Bitsy Petit Bikini ») aux huit pages spéciales consacrées par Le Monde à la mort du chanteur, avec ce titre en une : « Johnny Hallyday, une idole française ».
Tardive, cette entrée dans la sphère de la respectabilité ne s’est pas faite toute seule. Outre un adoubement par certains de ses pairs prestigieux – Trenet, Brassens, Brel… –, Johnny n’a pas manqué de figures de légitimation du côté des