« M. Riester, les ploucs vous invitent à leurs festivals ! »

Stéphane Villain, président du festival les Petites rêveries , réagit aux propos du ministre de la Culture à propos de la reprise des « petits festivals ruraux ». Il l’invite avec humour à découvrir l’effervescence culturelle de la Nièvre.

Stéphane Villain  • 17 avril 2020
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« M. Riester, les ploucs vous invitent à leurs festivals ! »
Photo : Edition 2019 du festival Les petites rêveries à Brinon-sur-Beuvron.
© Jean-Guy Lejay

Au début, je voulais simplement annoncer l’annulation du festival les Petites rêveries. Puis je suis tombé sur une déclaration de notre ministre de la culture disant qu’il jugeait possible la tenue _« d’ un petit festival rural, avec une scène, un musicien et 50 personnes, qui sont à un mètre les unes des autres, sur des chaises, avec un masque… »

C’est moi qui aie les émotions tourneboulées, ou il y a comme un mépris élitico-parisien ? M. Riester, je vous invite à venir sur notre territoire !

C’est très simple, ou presque : vous prenez le train à la gare de Bercy (si si, il y a une gare aussi) et vous descendez à Auxerre, parce que vous – les élites – avez remplacé la plupart des trains entre Auxerre et Clamecy par des cars. Vous aurez la chance d’être brinquebalé pendant 1h30 et d’assouplir ainsi vos adducteurs en maintenant le grand écart faute de place entre les sièges. Et c’est très bien car vous les aurez échauffés pour parcourir les 20 km qui resteront pour atteindre Brinon-sur-Beuvron à pied, car les cars vous les avez remplacés par… rien.

Mais comme nous ne sommes pas vaches, nous irons vous chercher en voiture pour vous faire visiter les villes et villages où vous avez fermé, et où vous continuez à fermer, maternités, hôpitaux, postes, perceptions, classes et écoles, lignes de transport… Nous vous montrerons, malgré tout ce travail de sape, le dynamisme, la vitalité et la richesse culturelle de notre territoire :

  • les Petites Rêveries à Brinon-sur-Beuvron (180 habitants) avec ses quelques 3000 festivaliers, ainsi que le festival des Balkans et son milliers de festivaliers.
  • le bar associatif Le Local à Taconnay (70 habitants)
  • la Bergerie de Soffin (37 habitants) où Alfred et Lucie ont créé un lieu dédié à la danse. Ils travaillent avec les élèves, les handicapés, créent, accueillent en résidence et en stages et organisent un festival de danse qui déborde de public chaque année.
  • le festival de la Cour Denis à Lormes qui montre chaque année l’esprit encore punk et libertaire de la jeunesse de notre territoire (plus de 2000 festivaliers).
  • la Transverse dédiée aux arts de la rue et l’Abbaye avec ses compagnies (danse, musique, théâtre) à Corbigny et Clamecy Et plein d’autres lieux un peu partout qui fourmillent d’initiatives et de festivals de musique, de danse, de rue, de théâtre, de spectacle vivant… qui font le plein par centaines ou par milliers de spectateurs.

Ici aussi en ruralité, une salle avec une personne sur une estrade face à moins de 50 personnes assises sur des chaises, nous appelons ça une classe surchargée.

Mais bien sûr passez l’année prochaine ! En ce moment, c’est un peu tristounet. Dans cette grande litanie des festivals qui reportent ou annulent, nous devons malheureusement ajouter les Petites Rêveries qui devaient se tenir du 4 au 7 juin à Brinon-sur-Beuvron et qui n’auront donc pas lieu cette année.

Comme tous les organisateurs de festivals, cela nous crève le cœur, et nous pensons au public qui vient de plus en plus nombreux, aux quelques 180 bénévoles qui illuminent et rendent possible cet événement, aux commerçants et hébergeurs qui participent et accueillent le public (d’ailleurs pensez local, mais vraiment local, quand vous faites vos courses, car si nos rares commerces ferment nos villages seront encore plus tristes).

Et nous pensons surtout aux artistes de spectacle vivant car rien ne remplace une scène, un chapiteau et l’énergie, les émotions qui s’y dégagent, surtout pas une vidéo. Nous pensons aussi aux techniciens et à tous les intermittents qui se prennent de plein fouet cette crise sanitaire, économique et sociétale.

Nous restons actifs et essaierons de créer des événements à l’automne-hiver sur notre territoire. Pas seuls, avec les autres structures culturelles. Mais nous ne savons pas encore ni quoi, ni comment. Nous attendons déjà de savoir si nous aurons le droit de maintenir des gros festivals ruraux de plus de 63 personnes après le 15 juillet…

On vous dit à bientôt, et on continue à se serrer les coudes tout en respectant les distances réglementaires. Bon courage à toutes et à tous.

Stéphane Villain, président des Petites Rêveries

Publié dans
Tribunes

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