L’instruction en famille, une liberté à préserver

Mère de deux enfants qu’elle scolarise à domicile, Cécile Boland s’insurge contre l’annonce faite par Emmanuel Macron de restreindre l’instruction en famille pour lutter contre les dérives sectaires et islamistes.

Cécile Boland  • 12 octobre 2020
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L’instruction en famille, une liberté à préserver
© Photo : Cécile Boland

Mes enfants (4 et 7 ans) sont scolarisés à la maison depuis septembre. Nous avons depuis toujours une réflexion sur l’école et sommes toujours restés dans un esprit d’ouverture par rapport aux pédagogies nouvelles, trouvant que le système dit « classique » est poussiéreux, dépassé, contraignant, centré sur l’accumulation de « connaissances intellectuelles » qui n’aident pas spécialement à se construire en tant qu’être humain, à être en relation et à participer à son échelle à la construction de notre monde. Cela n’enlève pas le fait que beaucoup d’enseignants font un travail d’une grande qualité, mais qui souvent vient de leur personnalité et non pas du « programme national ».

Cécile Boland est artiste peintre. Elle expose en France et à l'étranger. Elle s'intéresse depuis toujours aux pédagogies modernes et alternatives émergeant partout dans le monde.

Le confinement nous a permis d’expérimenter l’instruction en famille, enfin. Ça a été l’occasion rêvée. Cette expérience nous a permis de confirmer nos intuitions sur la richesse que cela pouvait apporter à notre vie de famille, et à nos enfants. Nous habitons à la campagne et le fait qu’ils puissent être en contact avec la nature, rencontrer des personnes de toutes générations, passer du temps à d’autres activités (artistiques, jardinage…) est important car elles font partie de la vie. Nous les avons donc inscrits à un cours par correspondance (Ken Lann) que je suis avec eux. Ce cours est conforme au programme de l’Éducation nationale avec une pédagogie vivante, exigeante et créative. Nous en sommes ravis.

Mes deux fils progressent super bien, acquièrent toutes les connaissances « académiques » et ont deux fois plus de temps pour explorer leurs centres d’intérêts naissants, être dehors à découvrir la nature, à jouer et sont plus disponibles pour les activités « parascolaires » sportives et autres, car ils n’ont pas une grosse journée d’école dans les pattes pour y aller. On voit la différence, beaucoup plus d’enthousiasme et d’énergie. Donc nous comptions poursuivre dans cette voie. Mon mari, chef d’entreprise, s’investit également. Il se lève beaucoup plus tôt qu’avant pour aller travailler et dégage plusieurs heures dans la journée pour les passer avec les enfants. C’est très riche et nous sentons nos enfants beaucoup plus en éveil.

Nous avons à cœur de poser une réflexion sur le monde qui nous entoure et encore plus sur les systèmes qui nous sont (jusque-là) proposés. Pouvoir dire oui ou non est une force indispensable pour pouvoir progresser dans la vie et poser sa pierre à l’édifice que nous construisons tous ensemble. Nous enlever cette liberté, c’est transmettre à nos enfants qu’ils n’ont pas le choix. Un être humain qui n’a pas le choix s’éteint, tout simplement, ou mets son potentiel en veilleuse.

L’annonce faite par Emmanuel Macron propose une mesure excessive qui limite grandement la liberté de chacun au sein de sa propre famille. De nombreuses familles trouvent un épanouissement dans une instruction donnée à leurs enfants en lien notamment avec des organismes de cours à distance de qualité en phase avec le programme scolaire et les valeurs de la République. Que ces familles-là paient les conséquences de mesures prises en réponse à une dérive qui ne concerne qu’une minorité me semble grave.

Deux contrôles sont prévus dans toutes les familles qui ont fait ce choix, n’est-ce pas à ce niveau-là qu’il faut resserrer la vis ou étudier à quel endroit un dysfonctionnement a pu s’installer ? Priver des milliers de famille d’un équilibre qui leur convient, qui ne concernent qu’elles, me semble être une décision de l’État qui outrepasse la limite de la sphère privée et des libertés individuelles. Beaucoup de familles vont être punies à cause d’une dérive extrémiste avec laquelle elles n’ont aucun lien. Cela me semble grave. Toucher au droit fondamental qu’a chaque parent de choisir pour ses enfants, c’est franchir une ligne rouge.

Vouloir mettre des bâtons dans les roues à l’instruction en famille et aux écoles dites « hors contrats » qui cherchent à faire évoluer les pédagogies et les moyens d’instruire nos enfants est désespérant. Ces personnalités ont l’audace de sortir des sentiers battus, d’expérimenter d’autres choses pour nous ouvrir des voies nouvelles. Ces personnes et leurs initiatives sont absolument essentielles à l’évolution de nos sociétés. Toutes les avancées et les progrès de nos vies ont toujours été rendus possible par ces explorateurs qui sortent des sillons tracés par les systèmes que plus personne n’ose contester. Les ramener sur la voie centralisée de l’Éducation nationale dont les limites ne sont plus à démontrer serait une erreur absolue. Et tout cela pour endiguer un problème d’extrémisme religieux… Cherchez l’erreur…

Lire aussi > Lettre ouverte : L’instruction en famille est un droit

Publié dans
Tribunes

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