Cory Henry : Protest songs

Avec Something to Say, Cory Henry livre un album intime, reflet des tensions de l’époque.

Pauline Guedj  • 25 novembre 2020 abonné·es
Cory Henry : Protest songs
© Theo Wargo / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP

Assister à un concert de Cory Henry est une expérience euphorisante. Jeune prodige, le musicien a fait du jeu collectif sa spécialité. Dès l’âge de 2 ans, dans son église de Brooklyn, il a accompagné les messes, jouant de son instrument de prédilection, l’orgue. Puis c’est sur scène qu’il s’est révélé au grand public en tant que membre du collectif jazz-funk Snarky Puppy et leader des Funk Apostles, groupe avec lequel il a tourné aux États-Unis et en Europe. Il est un chef d’orchestre qui s’amuse avec le public, comptant sur ses participations chantées et dansées.

Toutefois, la musique de Cory Henry repose aussi sur une dimension introspective. Pour le musicien, celle-ci est avant tout due à la nature de son instrument. « L’orgue est passionnant parce qu’il offre beaucoup de possibilités, explique-t-il. Vous pouvez jouer des sonorités heureuses avec une main, mélancoliques avec l’autre, et créer des oscillations. Je peux aussi faire la basse avec mon pied et utiliser la pédale du son. » Pendant les concerts, Cory Henry multiplie les solos inspirés, parfois interprétés sans accompagnement, et use de sa voix pour ajouter une nappe supplémentaire aux sons qu’il crée.

Something to Say, le nouvel album du musicien, est une parfaite illustration de ces deux facettes. D’un côté, l’album comprend des morceaux interprétés avec les Funk Apostles qui mettent en avant la synergie du groupe. « Happy Days », avec sa mélodie enjouée, regarde vers George Duke. Le sensuel « GawtDamn » et le très « princier » « Switch » se révèlent à chaque écoute, et « Rise » démontre un grand talent de chef de chœur. D’un autre côté, l’album comprend sept titres écrits, composés et interprétés seul, dans lesquels se déploient la voix du musicien et ses qualités d’interprète.

Ces titres en solo sont aussi pour Henry l’occasion d’écrire des textes plus personnels et engagés. Les ballades « Anything 4 U », « Icarus » et « Dedicated » sont des odes spirituelles, mais quatre titres font écho aux tensions politiques qui divisent la société américaine. « Don’t Forget » invite, dans ces heures troubles où l’attention se disperse, à se souvenir des vrais combats. Le très beau « No Guns » appelle à se méfier des devises alors que « Black Man » et « Say Their Names » évoquent le statut des Noirs diabolisés par des siècles de préjugés racistes. Protest songs, ces morceaux dépassent la simple dénonciation pour offrir des critiques du monde qui nous entoure. Ils prouvent que le très funky Cory Henry est aussi un parolier de talent.

Something to Say, Cory Henry, Culture Collective.

Musique
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