PCF : Un anniversaire sous cloche

Le 25 décembre 1920 s’ouvrait le congrès de Tours, d’où naîtra le Parti communiste français. Le contexte sanitaire gâche un peu la célébration.

Roni Gocer  • 16 décembre 2020 abonné·es
PCF : Un anniversaire sous cloche
Fabien Roussel, secrétaire général du PCF, à la manifestation du 15 octobre 2020 à Paris.
© Georges Gonon-Guillermas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Le Covid-19 aurait pu gâcher un anniversaire de plus. Alors que l’année 2020 devait être « l’année du centenaire », les deux confinements ont obligé le Parti communiste français à revoir ses plans. La célébration aurait dû commencer dès mars (après la date qui aurait dû être celle du deuxième tour des élections municipales) à travers plusieurs événements ; elle prend finalement une forme plus sobre mais se maintient d’une manière ou d’une autre (1). On célèbre ainsi le souvenir des résistants en accrochant leur portrait aux grilles du siège parisien du parti, place du -Colonel-Fabien. Deux expositions ont été repoussées au début de l’année 2021. Elles mettront en lumière les liens que le PCF a entretenus avec des artistes renommés comme Picasso, Fernand Léger ou Marcel Duchamp, dont le parti possède sa Joconde, intitulée L.H.O.O.Q. (2).

Historien et membre du bureau exécutif du PCF, Guillaume Roubaud-Quashie supervise le déroulement du centenaire. Au-delà de l’histoire artistique ou résistante du parti, il s’agit surtout de commémorer son histoire politique. Au cours du siècle écoulé, les événements sont principalement concentrés sur la période allant de 1936 à 1947, explique l’historien. « Pour le parti, c’est un moment particulier d’apogée et de construction. Ça correspond à une période de pouvoir qui a mené à des réalisations très concrètes pour les travailleurs, que nous voulions présenter. »

Les temps qui précèdent la naissance du Parti communiste français fournissent aussi un éclairage intéressant. L’année 1919 est marquée par l’échec d’une grande grève de cheminots et les dissensions au sein du mouvement ouvrier entre les révolutionnaires et les réformistes. C’est dans ce contexte que se réunissent en congrès, à Tours, les membres de la Section française de l’Internationale ouvrière, du 25 au 30 décembre 1920. Les images d’époque de l’ancienne salle du manège – lieu coutumier des réunions politiques, aujourd’hui rasé – montrent de longues tablées d’hommes en costume, fixant la tribune en bois qui leur fait face. C’est une atmosphère d’ébullition politique que le Musée de l’histoire vivante de Montreuil a voulu mettre en scène dans une exposition intitulée « Aux alentours du congrès de Tours, 1914-1924 ». L’un des trois commissaires de l’exposition, Éric Lafon, raconte : « Pour recontextualiser le congrès, on a voulu prendre une période plus large, marquée par le traumatisme de la Première Guerre mondiale et le succès de la révolution bolchevique. Et puis on rappelle que, à l’époque, le congrès n’est pas considéré comme un événement marquant. »

Les divergences sur la manière d’arriver au pouvoir créent une fracture profonde au sein des militants de la SFIO. Une grande majorité souhaitent adhérer à la IIIe Internationale, fondée à Moscou par les bolcheviques en mars 1919, alors qu’une minorité s’y refuse. Le vote tranchera de manière écrasante en faveur d’une adhésion à la IIIe Internationale, conduisant à la création d’une Section française de l’Internationale communiste, futur Parti communiste français. « On a voulu sortir de l’histoire canonique, montrer qu’il y avait, par-delà ces lignes de démarcation, une diversité de courants et de positions, explique Éric Lafon. Pour mettre en scène quelque chose d’aussi abstrait, nous utilisons des affiches, des discours, des tracts. Et la presse, avec les deux journaux au centre du conflit, L’Humanité côté communiste et Le Populaire pour la SFIO. » Interrompue par le second confinement, l’exposition sera prolongée jusqu’à la fin février.

(1) Voir la page Facebook « Centenaire du PCF – 100 ans d’avenir » (facebook.com/centenairepcf)

(2) Duchamp l’avait offerte à Aragon, lequel en a fait don au parti, qui l’a placée en dépôt pour 99 ans au Centre Pompidou.

Politique
Temps de lecture : 3 minutes