« Si le vent tombe », de Nora Martirosyan : Sur la terre comme au ciel

Si le vent tombe, de Nora Martirosyan, tourné en 2018, témoigne de la ténacité de la population du Haut-Karabakh.

Christophe Kantcheff  • 25 mai 2021 abonné·es
« Si le vent tombe », de Nora Martirosyan : Sur la terre comme au ciel
© Sister Productions

Un aéroport en plein milieu de nulle part, d’où aucun avion ne s’est jamais envolé. Nous sommes dans le Haut–Karabakh, en 2018. Un spécialiste français, Alain Delage (Grégoire Colin), arrive sur place pour vérifier les normes de sécurité dans la perspective d’une ouverture prochaine. Un acte essentiel pour ce petit pays autoproclamé indépendant il y a une trentaine d’années mais encore reconnu par aucun État membre de l’ONU.

Voilà résumée l’intrigue de Si le vent tombe. On pourrait trouver cela étique. Pourtant, ce premier long métrage de Nora Martirosyan est passionnant parce qu’il rend sensibles des questions abstraites. Par exemple, celle de l’intangibilité des frontières. Une notion qui ici ne résiste pas. La situation de la frontière avec le pays voisin hostile, l’Azerbaïdjan, est déterminante quant à la possibilité ou non d’ouvrir l’aéroport. Trop proche : les avions ne peuvent faire demi-tour en cas d’incident. Or, si le Haut-Karabakh a bien une histoire, ses frontières sont toujours à réaffirmer.

Comme un symbole, l’enceinte de l’aéroport, censée être étanche, est elle-même aléatoire puisqu’elle laisse passer un enfant, Edgar (Hayk Bakhryan). Celui-ci vend de l’eau dotée d’un pouvoir extraordinaire, du moins les habitants en sont-ils persuadés. Même si ce n’est pas vrai, ce besoin de croire à l’impossible est indispensable à ce peuple. Alain Delage en est touché, lui qui est arrivé dénué d’affects, dans l’idée d’accomplir une mission comme une autre. Mais il est saisi par la ténacité dont ses interlocuteurs font preuve.

Cette ténacité résulte d’une nécessité vitale. La guerre des années 1990, dont restent des traces profondes, est dans tous les esprits. Ce pays est né dans le fracas, et il ne faut pas grand-chose, comme une décision un peu folle d’Alain Delage, pour que le feu reprenne. En outre, voir Si le vent tombe aujourd’hui est troublant quelques mois après la guerre qui y a fait rage. Qu’est devenu le petit garçon vendeur d’eau ?

Comme la cinéaste le note dans le dossier de presse : « Dans une grande partie des espaces où Si le vent tombe a été tourné, les habitants arméniens n’ont plus accès à leurs maisons, jardins, cimetières. Le film est devenu aujourd’hui une archive de trente ans de -cessez-le-feu, une preuve indéniable de l’existence d’un pays qui rêvait d’une reconnaissance, mais qui, ignoré par la communauté internationale, s’est vu amputé de ses territoires et de son espoir. »

Si le vent tombe, Nora Martirosyan, 1 h 40.

Cinéma
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