« Le gouvernement réduit la capacité du fonctionnaire à penser »
Sous couvert de décloisonner la haute fonction publique, la réforme de l’ENA et des grands corps accélère la confusion entre public et privé, selon un collectif de hauts fonctionnaires. Les explications d’Arnaud Bontemps et Prune Helfter-Noah, ses porte-parole.
dans l’hebdo N° 1658 Acheter ce numéro

© Joao Luiz Bulcao / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
Côté pile, le gouvernement ripoline la haute fonction publique avec un nouveau nom pour l’École nationale d’administration (ENA), rebaptisée Institut du service public à compter du 1er janvier 2022, la suppression de certains grands corps de hauts fonctionnaires (1), la création d’un sas de deux ans sur le terrain pour les diplômés avant leur affectation aux postes à responsabilité et davantage de places pour les élèves boursiers. Côté face, les grands projets instillent un management inspiré du privé, assorti d’un devoir de réserve de plus en plus strict pour les agents et d’une pression constante à l’économie budgétaire… Une évolution inquiétante, selon le collectif de hauts fonctionnaires Nos services publics, créé le 30 avril pour faire entendre une voix différente dans le débat sur l’orientation de la fonction publique. Arnaud Bontemps et Prune Helfter-Noah, ses porte-parole, analysent les grandes réformes en cours.
Que pensez-vous de la réforme de la haute fonction publique, lancée par ordonnance le 2 juin, qui prévoit de transformer l’ENA et de différer l’affectation aux grands corps ?
Arnaud Bontemps : La question prioritaire qui n’est jamais posée est : quel est le problème et comment changer la formation des fonctionnaires pour y remédier ? Notre diagnostic est qu’il y a un cadre de pensée très austéritaire qui bloque tout. Nous raisonnons par la contrainte financière avant de raisonner par des objectifs de politique publique. Il existe également une culture de l’obéissance qui masque les désaccords plutôt qu’elle ne les encourage.
Je ne vois pas en quoi le changement de logo de l’ENA résoudra quoi que ce soit. Le gouvernement affirme vouloir donner moins de poids au classement de sortie, mais il n’explique pas comment cela fonctionnera concrètement. Or on sait que, dans l’administration, le diable se niche dans