PCF : « Gagner en visibilité »

Spécialiste de l’histoire du Parti communiste, Julian Mischi expose les raisons qui ont conduit à la candidature de Fabien Roussel.

Daphné Deschamps  • 8 septembre 2021 abonné·es
PCF : « Gagner en visibilité »
© Quentin Vernault / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Auteur d’une histoire du PCF, parue l’année de son centenaire (1), Julian Mischi n’est pas surpris de voir les communistes présenter cette fois un candidat issu de leurs rangs.

Quelles sont les raisons du retour du PCF à la présidentielle après des années d’absence ?

Julian Mischi : Fabien Roussel était porteur, quand il a été élu secrétaire national, d’un texte alternatif, notamment sur le regret du manque de visibilité du PCF, surtout à la présidentielle, après les soutiens à Jean-Luc Mélenchon en 2012 et 2017. Cette élection repose sur la personnalisation, alors que la force du mouvement communiste, c’est son organisation, ses réseaux, le collectif. Le PCF a toujours été méfiant, et a donc souvent soutenu un autre candidat, comme François Mitterrand en 1965 et en 1974. Mais il y a une crise politique, et la présidentielle est l’une des dernières élections qui parlent aux classes populaires. La vie politique tend à se réduire aux grands débats et aux figures de cette élection. Pour un parti « des classes populaires », il y a tout intérêt à s’en emparer. Sa dernière candidate, Marie-George Buffet en 2007, a fait moins de 2 %. L’objectif, c’est de se revisibiliser. 

De quelle ancienne candidature Roussel se rapproche-t-il le plus ?

La situation a beaucoup changé. C’est un secrétaire national, comme Georges Marchais ou Robert Hue, mais le parti est très faible. André Lajoinie, en 1988, était moins connu, mais c’était un député d’origine paysanne. On retrouve avec Roussel cette volonté de mettre l’accent sur ses origines de classe populaire. Il met en avant son ancrage dans le Nord, sa connaissance des milieux populaires, des entreprises, des salariés, alors qu’il y a eu un passage, dans les années 1990-2000, où le PCF gommait un peu cette « originalité ».

Certaines candidatures communistes ont eu plus de succès que d’autres. Comment les interpréter ?

Si le PCF va à la présidentielle, c’est que l’unité n’a pas pu se faire à gauche, comme en 1969. Jacques Duclos recueille alors 21,5 %, troisième et très proche du centriste Alain Poher, qui fait 23 %. C’est une très bonne élection après l’échec des législatives de 1968, où il y a eu une vague très à droite. Le PCF se renforce grâce à cette élection, ce qui est rare. Duclos a séduit au-delà des rangs communistes, parce qu’il n’a pas mis en avant son appartenance au parti, mais ses origines provinciales, son statut d’ouvrier, etc. Le plus gros échec, c’est Marchais en 1981, qui fait 15 % et symbolise le décrochage du PCF par rapport aux socialistes : Mitterrand fait 26 %, alors que depuis 1945 le PCF était devant à gauche. C’est un échec à l’origine d’une crise pendant les années 1980, et le début du déclin électoral du PCF.

Il y a un besoin d’exister à la présidentielle pour exister aux législatives.

Fabien Roussel va-t-il essayer de se raccrocher à ces candidatures ?

Il ne s’inspirera pas de Robert Hue, qui représente un renoncement à l’identité communiste : il a beaucoup mis l’accent sur ses qualités personnelles et moins sur l’organisation ; c’est aussi un déclin du discours sur la lutte des classes, les entreprises, etc. C’est difficile aussi de s’inscrire dans la campagne de Marie-George Buffet, qui vient après la période de la « gauche plurielle », où il y a eu un renoncement à des principes communistes, sur les nationalisations notamment. Roussel veut mettre en avant le salariat et les questions de classe, les combats syndicaux. Il préfère les références au Front populaire, à Maurice Thorez… Il fait beaucoup référence à la Libération, aux Jours heureux, qui ont une connotation positive dans les milieux communistes et dans l’imaginaire français.

Cette candidature peut-elle être une stratégie pour préparer les législatives, qui suivent la présidentielle ?

Le PCF a toujours été contre la présidentialisation du régime, qui s’accentue avec la Ve République, le quinquennat et surtout le calendrier électoral depuis 2002. Les législatives se fondent dans le scrutin précédent, les candidats sont soutenus par les têtes d’affiche plutôt que par les organisations. Le collectif, la force du PCF, devient secondaire. Il y a un besoin d’exister à la présidentielle pour exister aux législatives. L’autre possibilité, c’est une alliance à la présidentielle, puis des candidats communs. Celle de 2012 avec Mélenchon, qui a échoué, a porté préjudice aux communistes. La visibilité gagnée à la présidentielle, même avec un score faible, peut aider aux législatives, mais aussi fragiliser les discussions avec les autres organisations de gauche.

(1) Le Parti des communistes. Histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours, Hors d’atteinte, 2020.

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