« Coupez ! » de Michel Hazanavicius : Du sang et des larmes… de rire

Dans Coupez !Michel Hazanavicius met en scène le making-of loufoque d’un film de zombies. Une comédie réussie en ouverture de Cannes.

Christophe Kantcheff  • 17 mai 2022
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« Coupez ! » de Michel Hazanavicius : Du sang et des larmes… de rire
© Lisa Ritaine

Z. C’était le titre initial du film de Michel Hazanavicius qui ouvre (hors compétition) le Festival de Cannes. Pour éviter toute confusion avec le signe distinctif choisi par l’armée russe, le cinéaste, en accord avec les responsables de l’événement, a décidé de rebaptiser son film Coupez !

Coupez !, Michel Hazanavicius, 1 h 51.

Les symboles sont importants, et ce changement de titre se justifie. Il n’empêche qu’on peut faire ce pari : Coupez ! ne devrait pas plaire à Vladimir Poutine, parce qu’il s’agit d’une œuvre anti-propagande par excellence. Plus exactement, Hazanavicius montre l’envers du décor d’une version officielle (ici d’un film, mais ce pourrait être celle d’un discours), en démonte les ressorts, en l’occurrence tordus.

On sourit en écrivant ces lignes parce que cette idée ne vient tout de même pas spontanément. Adaptant un film japonais lui-même tiré d’une pièce de théâtre, Michel Hazanavicius retrouve là sa meilleure veine, celle de la comédie, qui se déployait dans les OSS ou dans The Artist (Le Redoutable étant, lui, lesté d’une charge anti-Godard peu spirituelle). La dimension parodique est évidente, notamment dans la première partie de Coupez !, d’une trentaine de minutes, qui n’est autre que la diffusion d’un film de zombies. À la limite de l’entreprise amateur, il s’agit d’un pastiche branque et gore – le genre du film qui a obtenu la Palme d’or l’an dernier, par exemple. Le scénario est à peu près invraisemblable : c’est l’histoire d’un réalisateur qui tourne un film de sous-catégorie, où les acteurs-zombies finissent par se retourner contre lui.

Mais le plus drôle n’est pas là. À ce stade, on se demande où Hazanavicius nous emmène. On le découvre enfin : un flash-back survient et Coupez ! se met à raconter la préparation et le tournage du film auquel nous venons d’assister. Le défi est de taille pour le réalisateur (Romain Duris), dont la carrière est en perte de vitesse et qui finit par accepter la proposition : se déroulant en direct à la télévision, le film doit être tourné en un seul plan-séquence pour être diffusé en continu. Gare aux accidents de parcours ! Or ratages, imprévus et dérèglements se multiplient que le cinéaste, ses comédiens (Bérénice Béjo, Finnegan Oldfield, Grégory Gadebois…) et son équipe (Sébastien Chassagne, Raphaël Quenard, Simone Hazanavicius…) colmatent ou résolvent in extremis. La mécanique gaguesque de ce making-of loufoque s’avère efficace et certaines scènes sont vraiment désopilantes.

Mais on aurait tort d’y voir davantage – alors que c’est déjà beaucoup : réussir une comédie est un exercice des plus difficiles. Surtout quand l’humour reste globalement de bonne qualité – on peut difficilement jouer les prudes et lui reprocher, par exemple, de tomber dans le scatologique : ne baigne-t-on pas dans le gore de A à… Z ?

Dans le propos introductif du dossier de presse, Michel Hazanavicius déclare : « C’est un film où le spectateur […] finit en se disant que c’est non seulement drôle, mais aussi malin, enfin je l’espère ! » Pourquoi souhaiter faire plus ou mieux qu’une œuvre burlesque, avec ses propres lettres de noblesse ? Coupez ! est drôle parce que malin. Pas sûr que cette talentueuse pochade porte une vision du cinéma. Encore moins qu’il faille y voir une métaphore sur l’état du cinéma qui n’aurait pas conscience d’être un mort-vivant. Michel Hazanavicius vient de signer sa Nuit américaine pour les nuls. Et c’est suffisamment réjouissant.

Cinéma
Temps de lecture : 3 minutes
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