#MeTooThéâtre : en marge des Molières, un collectif appelle à croire les victimes

Le collectif #MeTooThéâtre devait prendre la parole pendant la 33ème cérémonie des Molières mais leur discours a été retoqué. La prise de parole a finalement eu lieu sur le parvis du théâtre des Folies Bergères, devant une cinquantaine de manifestants.

Maxime Sirvins  et  Yann Mougeot  • 31 mai 2022
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#MeTooThéâtre : en marge des Molières, un collectif appelle à croire les victimes
Quelques dizaines de manifestantes féministes se sont réunies, devant le théâtre des Folies Bergères le lundi 30 mai, pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles.
© Maxime Reynié

Le champagne coule à flot ce lundi 30 mai, dans les cafés qui entourent les Folies Bergères, à quelques minutes de l’ouverture de la 33ème cérémonie des Molières. Alors qu’une petite foule parée de vêtements de luxe se masse devant les portes du théâtre parisien, les policiers qui sécurisent l’événement s’agitent. À quelques mètres de là, Marie Coquille-Chambel s’avance avec, sous le bras, une pancarte qui affiche ces mots : « Victime, tu peux parler sauf si tu déranges la bourgeoisie ».

Cette militante, critique de théâtre et initiatrice du collectif #MeTooThéâtre, aurait dû prendre part à la cérémonie. Avec l’actrice et metteuse en scène Séphora Haymann, elles devaient s’exprimer pour alerter sur les violences sexistes et sexuelles. Mais leur discours a été retoqué par les organisateurs car ne correspondant pas « à l’accord conclu entre les deux parties », selon Jean-Marc Dumontet, président des Molières. En cause, « l’évocation de cas particuliers » et un message jugé trop politique dans le texte. Le collectif #MeTooThéâtre dénonce alors une censure, refuse de participer à l’événement et appelle au rassemblement à 19h30, devant le bâtiment du 9ème arrondissement.

© Politis

Le collectif #MeTooThéâtre manifeste devant le théâtre des Folies Bergères accompagné de personnalité comme l’actrice Adèle Haenel et Alice Coffin. Crédit : Maxime Reynié

« Des hommes accusés de viols célébrés »

« Nous nous sommes réunies pour dire aux victimes que nous les croyons et que nous sommes là pour elles », explique Marie Coquille-Chambel. « Une fois de plus, ce sont des hommes qui ont décidé ce que nous avions le droit de dire », regrette-t-elle. La militante arrive sur place dix minutes avant l’heure prévue du rassemblement. Avant même de pouvoir brandir sa pancarte, elle est mise à l’écart avec deux autres manifestantes par les forces de l’ordre.

Passée entre les mailles du filet, Séphora Haymann en profite pour rejoindre les quelques dizaines de personnes qui se sont rassemblées. « Des hommes accusés de viols vont être célébrés aujourd’hui », commence-t-elle. « Est-ce qu’ils sont coupables ? Ce n’est pas ici la question. Mais comment, dans ce contexte, peut-on entendre la parole des victimes ? » Dans le même temps, les policiers ne semblent pas décidés à laisser repartir les trois militantes retenues.

L’arrivée d’Alice Coffin, conseillère de Paris, précipite finalement la fin du contrôle. L’élue, venue manifester son soutien au collectif #MeTooThéâtre n’est pas étonnée de la « censure » exercée sur le discours des militantes, mais la regrette : « depuis quand le théâtre a-t-il perdu sa vocation politique ? »

« Devant les Molières plutôt que dedans »

Après plus de 40 minutes passées au milieu des forces de l’ordre, Marie Coquille-Chambel se présente enfin devant la cinquantaine de manifestants rassemblés sur le parvis du Théâtre des Folies Bergères, avec la volonté de prononcer, coûte que coûte, le discours retoqué. Elle revient sur les violences dont elle aurait été victime il y a deux ans, de la part de son ancien compagnon, acteur de la Comédie-Française. Séphora Haymann suit, et appelle à croire toutes les victimes.

Pour attirer les caméras focalisées sur la cérémonie, les militantes s’élancent ensuite vers les portes du théâtre. Accompagnées par l’actrice Adèle Haenel, la réalisatrice Céline Sciamma et la chorégraphe Gisèle Vienne, elles scandent « pas d’honneur pour les violeurs ». Une dernière fois, et malgré l’avertissement des forces de l’ordre, elles prononcent leur discours, avant de se disperser dans le calme. « Le message est passé », se réjouit Marie Coquille-Chambel. « Finalement, peut-être que notre place était devant les Molières plutôt que dedans », conclut Séphora Haymann.

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