Le débat capital

L’entourage de Macron pilonne le programme économique de la Nupes, « irréaliste » et « dangereux ».

Thomas Coutrot  • 14 juin 2022
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Le débat capital
© JOHN THYS / AFP

Si ce n’est pas de la panique, ça y ressemble fort. Au vu des sondages inquiétants, l’entourage de Macron pilonne le programme économique de la Nupes, « irréaliste » et « dangereux ». « La Corée du Nord », a osé Jean-Christophe Cambadélis, ancien premier secrétaire du PS.

À la veille du premier tour, le JDD publie une tribune au vitriol de deux pontes de l’économie dominante, Jean Tirole et Olivier Blanchard : « Le blocage des prix amène les entreprises à produire moins et à rationner », « l’augmentation du Smic sera répercutée sur les prix » (pourtant bloqués), « les multiples taxes s’abattant sur les entreprises et les particuliers ne garderont pas capitaux et talents en France et nuiront à l’emploi »…

Cette rhétorique a toujours été utilisée par les conservateurs lors de chaque progrès social. Un autre argument, moins rebattu, cible une proposition nouvelle : « Qui croit que la BCE acceptera d’absorber les dettes publiques, mesure qui d’ailleurs n’apportera rien au budget de l’État ? »

La Nupes souhaite en effet que la Banque centrale européenne transforme en dette perpétuelle, non exigible, les énormes créances qu’elle détient aujourd’hui sur les États de la zone euro. Ces titres ont été rachetés à tour de bras ces dernières années par la BCE aux banques et investisseurs privés afin de sécuriser le financement des États, en dépit de l’esprit des traités.

Certes, en soi, cela n’apporterait pas d’argent frais. Mais le signe envoyé aux marchés financiers serait clair : la Banque centrale s’engage encore plus au service du financement des États. Cela permettrait à ces derniers de lever plus facilement de nouveaux fonds sur les marchés ou directement auprès des épargnants. Mais la BCE a écarté cette solution pour l’instant et s’y décidera difficilement sous la pression d’un gouvernement voulant rompre avec le néolibéralisme. Pire, il est possible que les mesures sociales et écologiques d’un gouvernement Mélenchon inquiéteraient la finance et se heurteraient à une hausse des taux d’intérêt.

Le programme présidentiel de Mélenchon comportait à cet égard trois mesures décisives : « former un pôle public bancaire grâce à la socialisation de certaines banques généralistes », « réaliser un audit citoyen de la dette publique pour en déterminer la part illégitime et préparer un réaménagement négocié de la dette publique », et « réinstaurer un circuit du Trésor pour sortir la dette publique de la main des marchés financiers ». Ce dernier point implique notamment l’obligation pour les banques de souscrire aux emprunts d’État pour des montants fixés par le gouvernement, se donnant ainsi les moyens de passer outre au blocage de la BCE et au boycott des marchés financiers.

Le programme de la Nupes comporte l’audit citoyen et la socialisation des banques, même si le PS et EELV ont exprimé leurs réserves ; le circuit du Trésor n’est plus mentionné. En tout état de cause, il faudra de l’audace et de l’imagination à un futur gouvernement de gauche pour sortir les finances publiques des griffes des marchés financiers.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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