Soutien à Kai Terada, contre la répression anti-syndicale dans l’Éducation nationale

Soixante-quatorze personnalités du monde syndical, politique, de l’éducation et de la culture dénoncent la suspension de ce professeur et syndicaliste d’un lycée de Nanterre. Ils appellent à un rassemblement mercredi 21 septembre devant le Ministère de l’Éducation nationale.

Collectif  • 17 septembre 2022
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Soutien à Kai Terada, contre la répression anti-syndicale dans l’Éducation nationale
© Photo : Xose Bouzas / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Dimanche 4 septembre, Kai Terada, professeur de mathématiques au lycée Joliot-Curie de Nanterre depuis 16 ans, a reçu du rectorat une notification de suspension de 4 mois, sans motif. Jeudi 8 septembre, il était convoqué au rectorat de Versailles. Son dossier administratif, qu’il a pu consulter au cours de l’entretien, était toujours vide. 

Au cours de l’entretien, le directeur des ressources humaines lui indiquait qu’aucune faute grave ne lui était reprochée, mais qu’il ferait vraisemblablement l’objet d’une procédure de « mutation dans l’intérêt du service » sous 10 ou 15 jours, dans l’objectif de « ramener la sérénité dans l’établissement ». Lorsque ses défenseurs syndicaux faisaient remarquer que c’était contraire à tous les principes de droit de la défense, le directeur des ressources humaines se contentait d’indiquer que ce n’était pas très grave, et que la jurisprudence était de son côté.

Kai Terada n’a pas été choisi au hasard par l’administration, pas plus que le lycée Jolliot-Curie. Le lycée est un bastion syndical, en première ligne des mobilisations sociales depuis des années. Kai est une figure reconnue du militantisme enseignant au niveau local, régional et national. Il est l’un des responsables de SUD éducation, syndicat très régulièrement visé par le ministère, dans les Hauts-de-Seine. Il a animé un nombre important de grèves dans son établissement et sa ville, est une figure des Assemblées générales de gréviste au niveau de l’Île-de-France, et est reconnu pour le rôle important qu’il a joué dans la mobilisation du collectif Touche pas ma ZEP (TPMZ) en 2016. Enfin, il est très actif dans les réseaux de soutien aux jeunes sans-papier, en particulier via le Réseau éducation sans frontière (RESF).

Bien évidemment, c’est le militant syndicaliste qui est visé dans cette décision de l’administration. Ses collègues le soulignent : accuser Kai de contribuer au « manque de sérénité » de l’établissement est une pure vue de l’esprit, d’une mauvaise foi sans nom. Ils et elles étaient d’ailleurs nombreux·ses en grève dès le 5 septembre et rassemblé·es devant le rectorat de Versailles jeudi 8 septembre pour le soutenir.

Avec la procédure de « mutations dans l’intérêt du service », la hiérarchie administrative a trouvé un bon filon. Celle-ci a été largement facilitée par la loi de transformation de la Fonction publique de 2018, en supprimant l’obligation de présenter cette mesure devant les commissions paritaires compétentes. Elle est dorénavant purement et simplement le fait du prince, qui n’a aucune obligation de les justifier : le cynisme avancé par le rectorat de Versailles lors de la convocation de Kai en est bien l’illustration.

Ce n’est pas la première fois que l’administration utilise cette procédure, depuis l’affaire du collège République (Bobigny, 93) en 2019. Depuis lors, l’argumentaire de l’administration est toujours le même : il s’agit de « ramener la sérénité dans l’établissement », au mépris de toute réalité. Les cibles sont également toujours les mêmes : des syndicalistes, des enseignant·es engagé·es dans leurs pratiques pédagogiques ou associatives. L’intérêt du service, dans ces conditions, n’est jamais celui des élèves, mais celui de la hiérarchie, qui peut ainsi se débarrasser à peu de frais de personnes vigilantes, prêtes à pointer du doigt toutes ses dérives.

La répression anti-syndicale dans l’éducation a pris sous Blanquer une ampleur inédite, notamment contre les personnels qui ont contesté en 2019 la mise en place du nouveau baccalauréat. Elle se poursuit donc sous Ndiaye. Le mode opératoire devient toujours plus kafkaïen. Il est temps que cela cesse.

Nous, personnalités du monde syndical, politique, de l’éducation et de la culture nous engageons auprès de Kai et des victimes de la répression anti-syndicale dans l’éducation.

Nous appelons, avec l’intersyndicale nationale de l’éducation, à participer à un rassemblement devant le ministère de l’Éducation nationale le mercredi 21 septembre à 15h, pour réclamer l’abandon des poursuites contre Kai, et l’annulation de toutes les décisions prises à l’encontre de tou·tes les syndicalistes réprimé·es ces dernières années.

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Syndicalistes :

Coralie Benech, co secrétaire générale du SNEP-FSU

Elvis Bruneaux, co-secrétaire départemental de SUD éducation 92

Marie Buisson, secrétaire générale de la FERC-CGT

Colin Champion, président de la Voix lycéenne

Christophe Delecourt, co-secrétaire général de l’UFSE-CGT

Patrick Désiré, secrétaire national de l’UFSE-CGT

Simon Duteil, co-délégué général de l’Union syndicale Solidaires

Alissa Fouquet, secrétaire fédérale de Solidaires étudiant·es

Sigrid Gérardin, co-secrétaire générale du SNUEP-FSU

Leny Gras, co-secrétaire général du Mouvement national lycéen

Murielle Guilbert, co-déléguée générale de l’Union syndicale Solidaires

Adeline Le Guennec, co-secrétaire départementale de SUD éducation 92

Gwenaël Le Paih, secrétaire général adjoint du SNES-FSU

Michaël Marcilloux, co-secrétaire général de la CGT Éduc’action

Gaëlle Martinez, déléguée générale de Solidaires Fonction publique

Frédéric Moreau, co-secrétaire général de la CGT Éduc’action Versailles

Imane Ouelhadj, présidente de l’UNEF

Marian Petitfils, co secrétaire départemental SNES-FSU 92

Maxime Pouvreau, secrétaire général de la CGT Éduc’action 92

Emmanuel Séchet, secrétaire général adjoint du SNES-FSU

Fatna Seghrouchni, co-secrétaire fédérale de SUD éducation

Jules Siran, co-secrétaire fédéral de SUD éducation

Benoît Teste, secrétaire général de la FSU

Antoine Tardy, secrétaire académique SNES-FSU Versailles

Laurène Thibault, co secrétaire départementale SNES-FSU 92

Maud Valegeas, co-secrétaire fédérale de SUD éducation, représentante en CSE

Charlotte Vanbesien, secrétaire générale adjointe de la FERC-CGT

Sophie Vénétitay, secrétaire générale du SNES-FSU

Céline Verzeletti, co-secrétaire générale de l’UFSE-CGT

Isabelle Vuillet, co-secrétaire générale de la CGT Éduc’action

Personnalités politiques :

Ségolène Amiot, députée LFI-Nupes de Loire-Atlantique

Rodrigo Arenas, député LFI-Nupes de Paris

Nathalie Arthaud, porte-parole de Lutte ouvrière

Olivier Besancenot, porte-parole du NPA

Idir Boumertit, député LFI-Nupes du Rhône

Alexis Corbière député LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis

Hendrik Davi, député LFI-Nupes des Bouches-du-Rhône

Elsa Faucillon, député GDR-Nupes des Hauts-de-Seine

Charles Fournier, député groupe écologiste-Nupes d’Indres-et-Loire

Jérôme Legavre député LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis

Sarah Legrain députée LFI-Nupes de Paris

Mathilde Panot députée LFI-Nupes du Val-de-Marne

Francesca Pasquini, députée des Hauts-de-Seine, groupe écologiste-NUPES

Stéphane Peu, député GDR-Nupes de Seine-Saint-Denis

Sébastien Peytavie, député du groupe écologiste-Nupes de Dordogne

Christine Poupin, porte-parole du NPA

Philippe Poutou, porte-parole du NPA

Jean-Claude Raux, député groupe écologiste-Nupes de Loire-Atlantique

Sabrina Sebaihi, députée groupe écologiste-Nupes

Aurélien Saintoul, député LFI-Nupes des Hauts-de-Seine

Paul Vannier, député-LFI Nupes du Val-d’Oise

Léo Walter, député LFI-Nupes des Alpes-de-Haute-Provence

Personnalité de l’éducation et de la culture :

Joseph Andras, écrivain

Etienne Balibar, philosophe

Ludivine Bantigny, historienne

Nageate Belahcen, co-présidente de la FCPE

Arno Bertina, écrivain

Laurent Binet, écrivain

Carla Dugault, co-présidente de la FCPE

Catherine Chabrun, enseignante retraitée, pédagogie Freinet

Grégory Chambat, syndicaliste et pédagogue

Véronique Decker, enseignante retraitée

Laurence de Cock, historienne et enseignante

Annie Ernaux, écrivaine

Kaoutar Harchi, écrivaine et sociologue

Mathilde Larrère, historienne

Christian Laval, sociologue

Sandra Lucbert, écrivaine

Philippe Merieu, pédagogue Irène Pereira, IRESMO

Fabrice Riceputi, historien

Patrick Silberstein, médecin et éditeur

Philippe Watrelot, pédagogue

Rachid Zerrouki, professeur et auteur

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